Le 3 août 2019, le forum en ligne d’extrême droite américain 8chan a publié un article intitulé « La vérité qui dérange » en soutien à la fusillade de la mosquée de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, et contre une « invasion » hispanique du Texas et le « remplacement culturel et ethnique » des Blancs par des minorités ethniques. Peu de temps après sa publication, Patrick Wood Crusius, un homme de race blanche âgé de 21 ans, que la police croyait être l’auteur du message, est entré dans un magasin Walmart d’El Paso et a ouvert le feu sur des clients en opposition au « grand remplacement des Blancs  » qu’il estimait être en cours.

Avant ce jour, un bébé de 2 mois, Paul Anchondo, n’aurait pu deviner qu’il perdrait ses deux parents lors d’une simple course d’épicerie. Un vétéran de 60 ans comme Arturo Benavides n’aurait peut-être jamais pensé que même s’il avait survécu à une guerre, il mourrait dans un événement courant et laisserait derrière lui sa femme avec qui il avait passé plus de 30 ans. Angelina Englisbee, 86 ans, ne se doutait absolument pas que la conversation téléphonique qu’elle aurait avec son fils en étant à la caisse, serait le dernier de sa vie…

La fusillade d’El Paso en 2019, au Texas, a fait 23 morts. Bien qu’il s’agisse de l’attaque la plus meurtrière de cette année-là, ce n’était que l’un des nombreux crimes terroristes d’extrême droite à avoir eu lieu aux États-Unis au cours des dernières années. En août 2017, alors que des milliers de suprémacistes blancs organisaient un rassemblement à Charlottesville, en Virginie, 40 personnes furent blessées ou tuées. En octobre 2018, l’attaque terroriste de la suprématie blanche perpétrée dans la synagogue Tree of Life de Pittsburgh, a fait 11 morts et 7 blessés. Le 28 avril 2019, la fusillade dans la synagogue Poway en Californie, faisait un mort. Le 6 janvier 2021, le Capitole a connu le chaos et d’importantes pertes après que des sympathisants de Trump, à l’instigation d’extrémistes de droite, l’envahirent dans le but de renverser les résultats des élections générales de 2020…

La montée du terrorisme national, en particulier la montée de l’extrémisme d’extrême droite, est l’une des plus grandes menaces pour les États-Unis aujourd’hui. L’extrémisme de droite américain comporte trois types principaux : la suprématie blanche, l’extrémisme antigouvernemental et l’ultraconservatisme social. Le premier est une sorte de racisme par nature, et c’est l’idéologie d’extrême droite la plus populaire qui connaît la croissance la plus rapide aux États-Unis.

Une branche importante de l’extrémisme antigouvernemental est le mouvement des milices, essentiellement composé d’anciens soldats. Le mouvement des milices a mis en place des camps d’entraînement qui sont en fait, le lieu de rassemblement des séparatistes blancs. Bien que ce courant extrémiste cible principalement les autorités gouvernementales, il est devenu de plus en plus anti-immigration et anti-musulman, jouant depuis 2008, avec l’idéologie de la suprématie blanche, lorsque Barack Obama est devenu président des États-Unis.

L’ultraconservatisme social est un mouvement et une idéologie appelant à un retour à la tradition américaine. Il comprend l’extrémisme anti-avortement, l’extrémisme anti-gay, l’extrémisme anti-immigration et le célibat involontaire appelé Incel. De nombreux mouvements sociaux ultraconservateurs, par exemple le mouvement Incel, l’anti-immigrationnisme et l’antisémitisme, partagent des similitudes idéologiques avec la suprématie blanche.

En 2019, 48 Américains ont été tués dans des attentats terroristes nationaux, dont 39 par des suprémacistes blancs. Bien que pour cette raison, moins de personnes soient mortes en 2020, le nombre de complots et d’attentats terroristes nationaux était au plus haut depuis 1994, les deux tiers d’entre eux étant menés par des extrémistes de droite.

La montée des forces d’extrême droite dans la société américaine est foncièrement générée par un fort sentiment de frustration et une crise identitaire parmi des Blancs en raison de la détérioration de leur situation financière et de la marginalisation de leur culture. Ceci est le résultat de changements économiques et structurels drastiques dans la société américaine, inextricablement lié à la « guerre contre le terrorisme » sans fin du gouvernement américain.

Après l’attentat du 11 septembre, Washington a investi d’énormes efforts et ressources dans les guerres antiterroristes à l’étranger. Cela a eu de lourdes conséquences sur l’économie nationale. À partir de 2001, les États-Unis ont augmenté leurs dépenses militaires. Le budget du département de la Sécurité intérieure, qui était de 16 milliards de dollars pour l’année 2001-2002, a culminé à 74 milliards de dollars pour l’année 2009-2010. Selon l’Institut international d’études stratégiques, en 2020, les dépenses militaires américaines qui s’élevaient à 738 milliards de dollars, étaient quatre fois supérieures à celles de la Chine et représentaient 40% du total mondial.

Pour lutter contre les groupes terroristes à l’étranger, les États-Unis ont lancé au cours des 20 dernières années, des guerres régionales dont des attaques contre l’Iran, l’Irak, l’Afghanistan et le Yémen. Cela a entraîné d’énormes pertes pour les troupes locales et américaines. Les dernières recherches de l’Université Brown indiquent que la guerre de 20 ans en Afghanistan a coûté 2 300 milliards de dollars. Cela équivaut à une dépense de 6 mille 949 dollars pour chaque citoyen américain.

Entre-temps, la guerre contre le terrorisme menée par les États-Unis à l’étranger a aggravé les préjugés des Américains blancs contre la population musulmane. Depuis que la crise financière mondiale en 2008 a entraîné un ralentissement rapide de l’économie américaine, ces préjugés et hostilités se sont intensifiés pour cibler presque toutes les minorités ethniques, consolidant davantage l’influence des suprémacistes blancs. Ceci, à l’instigation des forces d’extrême droite, a conduit à de graves conflits raciaux et à des troubles sociaux.

Le seul bénéficiaire des guerres est probablement le complexe militaro-industriel. Les entreprises de défense américaines sont les leaders de l’industrie mondiale de l’armement. En 2019, les ventes totales des cinq plus grandes entreprises mondiales, Lockheed Martin, Boeing, Northrup Grumman, Raytheon et General Dynamics, toutes américaines, ont atteint 166 milliards de dollars. En 2019, 12 entreprises américaines figuraient sur la liste des 25 premières entreprises mondiales de défense, représentant 61% des ventes mondiales d’armes. Parmi les 2 300 milliards de dollars dépensés pour la guerre en Afghanistan, environ 87% sont allés dans les poches des cinq principaux sous-traitants de la défense.

En finançant et en faisant pression sur les membres du Congrès, les entrepreneurs américains de la défense ont acquis une influence considérable dans l’élaboration des politiques nationales et, avec l’aide de sénateurs et de représentants qu’ils ont financés, ont obtenu plus de ressources pour fabriquer des armes. Grâce à l’infiltration et à l’influence sur le milieu universitaire, Hollywood et l’industrie du jeu vidéo, le complexe militaro-industriel est capable de propager chez lui, qu’il est nécessaire de maintenir l’hégémonie américaine et de promouvoir le militarisme. Ce faisant, il pourrait faire fonctionner indéfiniment la machine de guerre pour faire avancer l’industrie de la défense. Le complexe militaro-industriel enveloppe les idéologies, la politique et la culture américaines d’un sentiment militariste, offrant un terreau fertile pour le développement rapide du terrorisme d’extrême droite.

L’Amérique « doit se garder de l’acquisition d’une influence injustifiée, recherchée ou non, par le complexe militaro-industriel. Le potentiel d’une montée désastreuse d’un pouvoir mal placé existe et persistera », avait alors mis en garde le président américain Dwight Eisenhower dans son célèbre discours d’adieu en janvier 1961. Mais soixante ans plus tard, les États-Unis se transforment en une machine militaire impérialiste, créant les conditions idéales pour un terrorisme national d’extrême droite et semant les graines de la division sociale et de la tourmente.  Fin