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Burkina: l’Unité d’Action Syndicale mécontente du ministre Bassolma Bazié


Nomination de Bassolma Bazié dans le premier gouvernement du MPSR :  L'agitation politique en cours ne passera pas - leFaso.netCeci est une lettre ouverte de l’Unité d’action syndicale au Ministre de la fonction publique, du travail et de la protection sociale, Bassolma Bazié

Au cours d’une émission sur la RTB-radio le 3 janvier 2023, dont vous étiez l’invité, vous avez affirmé que l’Unité d’Action Syndicale (UAS) de connivence avec le Conseil national du patronat burkinabè (CNPB), était responsable du retrait du projet de Code du Travail de l’Assemblée législative de transition (ALT). À ce propos, nous vous avons adressé une correspondance le vendredi 20 janvier 2023 pour vous demander de nous situer sur ce qui fonde l’accusation portée contre l’UAS et qui a justifié le retrait du projet de Code du Travail.
En l’absence d’une réponse de votre part, et face à la répétition de cette accusation notamment lors de l’ouverture du congrès du SYNATRAD, nous sommes amenés à vous adresser, de façon exceptionnelle, la présente lettre ouverte pour relever un certain nombre d’allégations et des amalgames délibérés que vous avez faits lors de ladite émission.

Dans cet entretien, vous dites ceci : « J’ai même convoqué une rencontre… j’étais étonné, très amèrement étonné. J’ai reçu une lettre du Premier ministre le 22 décembre qui dit que le Code du Travail projeté a été transmis à l’Assemblée nationale … je lis hein : je note cependant que le processus ayant abouti à l’adoption de ce projet de loi fait déjà l’objet de contestation de la part des partenaires sociaux, le Conseil national du patronat burkinabè et les syndicats des travailleurs à travers l’Unité d’action syndicale ».
Faut-il le rappeler, l’initiative d’une demande de relecture du Code du Travail a été prise par l’UAS depuis l’adoption de la loi N° 028-2008/AN portant Code du Travail au Burkina. Elle a alors conduit depuis lors à différentes séances de travail sur le Code du Travail jusqu’à l’atelier de validation en 2017 du projet y relatif. Après cet atelier, sur initiative du patronat, un comité bipartite a travaillé sur les points non consensuels issus de l’atelier de validation de 2017.

Ces travaux ont permis aux deux parties de s’accorder sur 33 points parmi une quarantaine de points ayant fait l’objet de désaccord lors de l’atelier de 2017. Le projet a ensuite suivi les étapes de la CCT, des techniciens du ministère, du CSM, du COTEVAL avant d’atterrir sur la table de l’Assemblée Législative de Transition.
Sur cette base, l’avant-projet de Code du Travail contenant un certain nombre d’avancées avait déjà été adopté par le gouvernement du MPP et avait même été transmis à l’Assemblée nationale en décembre 2021 et l’UAS avait reçu une invitation de la commission des Affaires Générales Institutionnelles et des Droits Humains (CAGIDH) pour recueillir son avis. C’est le coup d’État du 24 janvier 2022 qui a interrompu le processus d’adoption de la loi.

Monsieur le Ministre d’État,
À l’évidence, aucun individu ne peut se targuer d’être à la base du projet de Code du Travail qui fait aujourd’hui l’objet de manipulations, de tractations et de tentatives de récupération. L’avis de l’UAS est que le projet, malgré les avancées qu’il contient, peut encore être amélioré notamment au niveau de ses dispositions relatives au délégué syndical.
C’est avec cette conviction qu’une délégation de l’UAS conduite par les présidents des mois (PDM) des Centrales syndicales et des Syndicats autonomes, a répondu favorablement à l’invitation de la CAGIDH le 28 décembre 2022. À l’occasion, elle a mené un plaidoyer auprès des députés en vue de la prise en compte des préoccupations qu’elle a soulevées avec l’argumentaire nécessaire.
C’est avec étonnement que l’UAS a reçu, le 6 février 2023, un courrier du Premier ministre, Apollinaire Joachim KYELEM de Tambèla, lui demandant ses observations et propositions sur le projet de Code du Travail. Estimant avoir déjà transmis toutes nos propositions sur le projet de Code du Travail, nous lui avons indiqué qu’« il nous semble que la bonne démarche doit consister à renvoyer le projet de Code du Travail à l’institution chargée de légiférer et qui a déjà reçu l’UAS et d’autres organisations pour recueillir leurs observations et propositions ».

Pour terminer, l’UAS se démarque des manœuvres en cours pour retarder le processus d’adoption du projet de Code du Travail par l’ALT et rend responsable le gouvernement du MPSR 2 de toute dégradation du climat social que ces manœuvres malsaines occasionneraient.

À propos du Code pénal, vous avez tenu, dans la même émission, ces propos que nous ne pouvons passer sous silence : « … vous vous rappellerez, que même le Code pénal, qui restreint les libertés de presse et autres, sous le gouvernement déchu, j’avais contacté ma collègue, Mme KABORE, pour que cette loi-là soit relue. Elle a même eu à convoquer une rencontre pour que les acteurs sociaux viennent autour et puis analyser.
À ma grande surprise, elle a dit, bon, il y a des acteurs qui ont dit, bon, on a qu’à faire, eux, ils vont voir quelle est la suite. Ce comportement ne nous permet pas d’avancer… ». L’UAS a toujours dénoncé les modifications liberticides introduites dans le Code pénal le 21 juin 2019 et soutenu le combat des acteurs du secteur des médias contre ces modifications et pour l’élargissement des espaces de liberté, notamment de la presse.
Parmi ces acteurs, le SYNATIC, syndicat autonome membre de l’UAS, n’a pas connaissance d’invitation de la Ministre chargée de la Communication, telle que relatée par vous. De telles allégations infondées ne militent pas en faveur d’un dialogue social franc.

Dans le même entretien sur la RTB-radio le 3 janvier 2023, vous déclarez : « Et il y a également la loi 081 que j’avais associée en demandant de recevoir l’ensemble des préoccupations et récriminations mais je vous dis que jusqu’aujourd’hui, il y en a qui n’ont pas encore réagi… Je viens voir si ces textes ont été amendés. On me dit qu’il y avait plus d’une vingtaine de Secrétaires généraux mais certains ont dit que tel que ç’a été convoqué, eux ils ne veulent pas se pencher sur ces textes … ».

Monsieur le Ministre d’État,
Nous relevons d’abord que la loi n°081-2015/CNT du 24 novembre 2015 portant statut général de la Fonction publique d’État ne figure pas dans la liste des textes à réviser que le ministère a soumis à l’UAS. Concernant les autres textes, il nous plaît de vous rappeler que c’est l’UAS qui, depuis des années, revendique leur révision. Et elle s’est toujours assumée aux différents moments du processus de révision. Ce n’est pas elle qui va aujourd’hui se démarquer du processus, encore moins entraver celui-ci. Vous ne pouvez en aucun cas tenir l’UAS pour responsable de la non adoption de ces textes. Et pour cause !
Sur invitation du ministère, une délégation de l’UAS s’est présentée dans la salle de réunion du ministère pour une rencontre convoquée le 21 juillet 2022. En entrant dans la salle, l’UAS constate que celle-ci était déjà remplie de responsables syndicaux dont la plupart n’ont jamais été impliqués dans le processus de discussions sur les textes. Il vous souviendra que nous vous avions déjà adressé une correspondance pour exprimer notre désaccord quant à l’invitation d’autres syndicats à des concertations avec l’UAS autour de préoccupations soumises par elle.
Malgré cela, notre délégation a assisté à la rencontre présidée par votre directeur de cabinet. Cependant quand ce dernier a annoncé que la procédure allait consister à projeter les textes et à recueillir les amendements des participants, l’UAS s’est excusée et a quitté la salle. Deux raisons ont présidé à cette décision :
L’UAS n’avait pas achevé de consigner ses amendements sur les différents textes et elle s’est engagée à transmettre très prochainement lesdits amendements au gouvernement. Ce qui fut fait le 4 août 2022 à travers une correspondance ayant pour objet : « Observations et amendements de l’UAS sur les projets de textes (check off, permanents syndicaux, élections professionnelles) » ;
Votre démarche du jour nous paraissait assez biaisée. En effet, si l’UAS s’engageait dans la démarche proposée par le directeur de cabinet, elle courait le risque de mener des débats à coup sûr non productifs avec les autres invités qui ignorent les bases, l’histoire et les enjeux de ces textes.

Mieux, après nous être retirés de la première rencontre pour les raisons ci-dessus évoquées, vous avez invité l’UAS à une autre rencontre le 8 août 2022. Ce jour-là, vous avez pris le soin de rencontrer un regroupement de syndicats autonomes une heure avant notre rencontre qui s’est tenue à l’immeuble de la modernisation de la fonction publique. Vous avez expliqué que vous n’aviez pas encore vu notre correspondance du 4 août 2022 et que c’est certainement parce que nous l’avions déposée à l’immeuble sis Avenue Kwamé NKRUMAH. Et vous avez pris l’engagement de l’examiner et même de signer les textes sans ne plus avoir besoin de nous contacter !

Toujours dans la même émission du 3 janvier 2023, vous avez déclaré, à propos du prélèvement de 1% sur les salaires des travailleurs du privé et du public afin de financer le fonds de soutien à l’effort de guerre ceci : « Nous avons décidé en Conseil des ministres que contrairement à ce qui est faussement distillé ce n’est pas de l’argent qui sera récolté pour l’Armée … C’est faux de dire que c’est pour remettre à des militaires… c’est faux de dire que c’est un gouvernement qui va gérer. C’est faux de dire qu’il faut regarder, il y a des fonds ici, il y a des fonds là… ».

Monsieur le Ministre d’État, l’UAS a suffisamment motivé son rejet de ce prélèvement et chacun est libre de l’apprécier comme il veut. Toutefois, nous notons que votre gouvernement répète inlassablement que les Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) sont des supplétifs de l’Armée et que toutes leurs actions sont placées sous la coupe de cette Armée ! Concernant particulièrement l’interpellation sur les niches de ressources, il faut vous rappeler que quand vous étiez SG de la CGT-B, nous avons ensemble adressé la même interpellation au gouvernement de Paul Kaba TIEBA. À l’époque, vous souviendra-t-il, cela nous avait valu les remerciements du gouvernement !

Sur cette question, vous avancez ceci sur les antennes de la RTB-radio le 3 janvier 2023 : « Quand j’ai échangé avec le Président Ibrahim quand il me consultait le 17 octobre, vous regardez sur l’ensemble des éléments, le point 4 ça porte sur la suppression de l’abattement de l’IUTS sur les primes et indemnités des travailleurs. On n’a pas attrapé ma main pour écrire. C’est moi qui ai écrit et ça fait partie des points que j’ai indiqués au Chef de l’Etat pour dire que si on venait, voilà le sens dans lequel on allait travailler. Mais on se retrouve dans une situation intenable.
Et permettez-moi de dire que moi-même, j’ai titillé l’UAS parce que quand j’ai reçu le Cahier de doléances le 1er mai, il n’y a pas un point qui est inscrit sur l’annulation de l’IUTS. Il n’y en a pas ! … Sinon on m’avait dit, et je finis par-là, que ce sont des préoccupations amenées par Bassolma. Ce n’est inscrit nulle part. Donc la question de l’IUTS, je l’ai posée. Je continue de la poser. Je pense même que c’était une ouverture, que en allant aux 1%, quand on va arrêter les 1%, je profite en même temps dire : ‘’ on a pu arrêter les 1%, bon, allez-y dans ma revendication aussi en arrêtant la question de l’IUTS sur les primes et indemnités’’ ».
Monsieur le Ministre d’Etat, vous cherchez visiblement à entretenir l’illusion chez certains travailleurs que vous pouvez résoudre la question de l’IUTS que vous présentez comme une revendication que vous auriez soumise au Président et au gouvernement. Mais en même temps que vous évoquez la situation ‘’intenable’’ du pays, vous accusez l’UAS de n’avoir pas inscrit le point dans le Cahier de doléances 2022 et vous faites un incroyable amalgame entre cette question et celle des prélèvements. Serait-ce une démarche de chantage vis-à-vis du monde du travail ? Devons-nous comprendre que le refus de l’UAS d’avaliser les prélèvements de 1% vous a amené à demander au gouvernement « la suppression de l’abattement de l’IUTS sur les primes et indemnités des travailleurs » (sic) ?
Vous allez même jusqu’à dire que vous ne demandez pas le soutien de l’UAS, vous demandez seulement qu’elle vous laisse travailler ! À cette allure, on est tenté de penser qu’avec vous au ministère de la fonction publique, du travail et de la protection sociale, les travailleurs peuvent dissoudre leurs syndicats et se fier à vous pour la résolution de leurs problèmes !

À ce sujet, il nous plaît de vous rappeler que ce n’est pas l’UAS qui vous a envoyé en mission dans des gouvernements issus de coups d’État qu’elle a, du reste, condamnés sans ambages ! Elle n’a donc pas à vous soutenir. Cependant, nous pouvons vous assurer que l’UAS n’entravera en rien des actions qui iraient dans le sens des intérêts des travailleurs. A contrario, vous pouvez être sûr de trouver l’UAS sur votre chemin si vous vous engagez dans la remise en cause des conquêtes socio-économiques des travailleurs.
Encore, faut-il ne pas confondre la défense des intérêts des travailleurs avec des actions visant la promotion d’un ministre ! Ce faisant, elle vous appelle à assumer vos actions et vos inactions. Pour finir sur ce point, l’UAS voudrait vous inviter à mieux structurer le dialogue social, conformément aux conventions 98 et 135 de l’OIT et aussi aux dispositions du Décret N°2012-1002/PRES/PM/MFPTSS/MATDS portant définition des formes d’organisations syndicales de travailleurs et critères de représentativité. Au lieu de vous acharner à opposer un regroupement de syndicats autonomes à l’UAS, vous gagneriez à instituer un dialogue social sincère et constructif.
À ce propos, l’UAS voudrait vous rappeler les dispositions pertinentes ci-après du décret N°2012-1002/PRES/PM/MFPTSS/MATDS portant définition des formes d’organisations syndicales de travailleurs et critères de représentativité : « Les confédérations représentent les travailleurs aux plans national et international pour des questions qui intéressent plusieurs secteurs ou branches d’activités. »
Par contre : « Les syndicats de base, les syndicats nationaux professionnels, les fédérations syndicales et les centrales syndicales, à travers leurs structurations, représentent les travailleurs pour des questions au niveau de l’entreprise, du service, de la profession, du secteur ou de la branche d’activités ».

La résistance victorieuse du peuple burkinabè au putsch du 16 septembre 2015 ne saurait être capitalisée comme l’œuvre d’un ‘’héros’’ solitaire. Cette résistance a été l’œuvre de plusieurs acteurs dont les syndicats, les partis politiques, les commerçants, les jeunes sans emplois, les femmes, les militaires, etc. S’il est vrai qu’en tant que PDM des centrales syndicales, vous avez lancé le mot d’ordre de grève générale, il reste que vous avez exécuté une décision collective dont la mise en œuvre a impliqué l’ensemble du mouvement syndical et d’autres acteurs non syndicaux.
Il est donc malséant que régulièrement vous évoquiez ce fait comme une victoire personnelle. Par exemple, les barricades à Ouagadougou et dans la plupart des localités, qui n’ont pas été le fait de la seule UAS ont fortement perturbé les opérations des putschistes à l’intérieur du pays. Sans compter les manifestations et initiatives dans les régions qui ont tout aussi pesé pour le succès de la grève générale et surtout pour que des troupes loyales avec à leur tête des officiers courageux et déterminés descendent des régions jusqu’à Ouagadougou, toute chose qui a obligé la hiérarchie militaire à prendre ses responsabilités en donnant l’assaut contre le camp Naaba Koom.

Monsieur le Ministre d’État,
Vous vous plaisez beaucoup à parler de modestie et d’humilité, mais vous avez tendance à vous présenter comme l’artisan des acquis arrachés notamment par le monde syndical. Vous vous plaisez à évoquer les devanciers et dans le même temps, vous ramenez tout à votre personne. Nous pensons que tout bon syndicaliste, quelle que soit sa contribution à la cause des travailleurs et du peuple, doit voir les victoires comme des victoires collectives et en même temps assumer les éventuels échecs au lieu d’afficher une propension à toujours indexer les autres pour les échecs.
Vous êtes conscient que votre nomination a suscité des illusions au niveau de certains travailleurs, illusions que vous avez nourries et que vous entretenez ! Face au bilan peu reluisant, vous vous fabriquez un bouc émissaire qui est l’UAS. Nous pensons que pour avoir travaillé au sein de l’UAS, pour avoir assuré à plusieurs reprises la présidence de mois de cette faîtière, vous lui devez un minimum de considération, même si la haute estime que vous avez de vous-même vous fait penser que c’est vous qui faisiez l’UAS et que l’UAS c’était vous.
Au niveau de l’UAS, nous ne nions pas que vous avez apporté votre contribution dans la conduite des luttes syndicales en tant que SG de la CGT-B ou PDM. Mais vous ne devez pas vous méprendre ni sur ce que la CGT-B, l’UAS et le mouvement syndical dans son ensemble vous ont apporté, ni sur ce qu’ils sont et demeureront. Même concernant le titre de ‘’Général’’ que vous évoquez avec beaucoup de fierté, nous pensons que l’honnêteté intellectuelle vous commande de vous rappeler que ce titre a d’abord été attribué à votre prédécesseur à la tête de la CGT-B, le camarade Tolé SAGNON. Il s’agit donc d’un héritage.

Monsieur le Ministre d’État,
En vous souhaitant bonne réception de la présente, l’UAS vous assure qu’elle reste engagée dans la défense des intérêts matériels et moraux des travailleurs du Burkina Faso et pour un dialogue social sincère et fructueux.

Ouagadougou, le 17 février 2023

Ont signé :
Pour les Centrales syndicales :
CGT-B
Moussa DIALLO
Secrétaire Général
CNTB
Marcel ZANTE
Secrétaire Général
CSB
Olivier Guy OUEDRAOGO
Secrétaire Général
ONSL
Ernest TAGNABOU
Secrétaire Général
FO/UNS
El Hadj Inoussa NANA
Secrétaire Général
USTB
Ernest OUEDRAOGO
Secrétaire Général
Pour les Syndicats Autonomes :

Le Président de mois des syndicats autonomes
Alain SOME
Secrétaire Général / SYNTRAPOST
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