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Culture riz-poisson : un patrimoine chinois et mondial


La rizipisciculture est une pratique datant de plus de 1 300 ans

Situé dans le sud-est de la province du Zhejiang, le district de Qingtian est enserré par des montagnes et semble peu propice au développement agricole. Cependant, ses habitants ont développé la rizipisciculture, un mode de pisciculture en rizière. Cette pratique vieille de plus de 1 300 ans a enrichi la définition traditionnelle de l’agriculture.

Dans le village de Zhou’ao du district, Ye Lingmei, une nonagénaire, est la personne la plus âgée à maîtriser cette technique traditionnelle. Elle l’a transmise à son fils Lin Guoping, qui est devenu l’unique héritier représentatif de niveau municipal du patrimoine culturel immatériel de la culture riz-poisson dans le district.

Le procédé traditionnel de Qingtian consiste à créer un système de symbiose entre riz et poisson, dans lequel la pisciculture et la riziculture se complètent. En juin 2005, ce système agroécologique exemplaire a été classé par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) dans la liste des « Systèmes Ingénieux du Patrimoine Agricole Mondial » (SIPAM). Cette reconnaissance a été une première en Chine et en Asie.

La rizipisciculture de Qingtian, qui représentait jadis une source alimentaire complémentaire, génère aujourd’hui des ressources financières supplémentaires, ce qui lui a valu une large promotion ces dernières années, même à l’étranger.

Un patrimoine millénaire à perpétuer

En 2019, Lin Guoping est rentré de la République tchèque, où il a fait des affaires pendant de nombreuses années, pour perpétuer la technique traditionnelle d’incubation des alevins. Il a pris cette décision à la fois pour sa mère âgée et pour la nostalgie du goût du poisson de rizière.

Le village de Zhou’ao, dont Lin Guoping est originaire, subit comme beaucoup d’autres l’exode des jeunes qui partent même jusqu’à l’étranger. À son retour, M. Lin a constaté que très peu de villageois utilisaient encore la technique traditionnelle d’élevage de poissons, alors qu’ils se trouvent dans une zone centrale de protection du système de culture riz-poisson. « À la campagne de Qingtian, la technique rizipiscicole se transmet au sein des familles et elle va se perdre si les jeunes ne l’apprennent plus », déplore-t-il. Afin de maîtriser la reproduction des poissons de rizière, M. Lin a passé deux ans à apprendre avec sa mère. Il a ensuite fait des appels de fonds et a réussi à collecter plus de 3 millions de yuans pour créer une coopérative de rizipisciculture. En plus de former des techniciens piscicoles, la coopérative a fondé avec l’Université océanique de Shanghai une base de production et de recherche, qui a marié la technologie moderne au procédé traditionnel d’élevage d’alevins, ce qui a grandement amélioré la production et la qualité des poissons de rizière.

Sous l’impulsion de Lin Guoping, les zones piscicoles du village sont passées de quelque 40 mu (2,7 ha) il y a deux ans à plus de 400 mu (27 ha) aujourd’hui. Son objectif est d’encourager davantage de personnes à transmettre et à développer la technique d’élevage de poissons en rizière, afin de créer un secteur à la fois unique, diversifié et favorable à la prospérité commune. « Et pour que les générations futures puissent apprécier le goût authentique du poisson de rizière de Qingtian », ajoute-t-il.

Xu Guanhong, directeur de la société Qingtian Yugong Agricultural Technology

Un champ à double récolte

Le 7 février 2023, le palmarès du « Buffle d’or » 2022 a été révélé à Hangzhou. C’est un prix qui récompense chaque année les leaders de la revitalisation rurale et de la prospérité commune du Zhejiang. Xu Guanhong, PDG de l’entreprise Qingtian Yugong Agricultural Technology, s’est distingué parmi 97 candidats de toute la province, à l’instar de neuf autres lauréats. Le secret de sa réussite est justement la culture riz-poisson.

Aujourd’hui 52 ans, M. Xu a été professeur de physique dans le secondaire et homme d’affaires pendant cinq ans en France. Après la consécration de la rizipisciculture par la FAO, il a misé son avenir sur les rizières de son village natal. Il est donc retourné en Chine en 2007 pour monter son entreprise, et a loué et défriché un terrain de 50 mu (3,3 ha) pour établir sa ferme écologique Yugong. Le nom est emprunté à une figure légendaire de la mythologie chinoise, qui conduisit les membres de sa famille à déplacer les montagnes devant leur village à coups de pioche, de pelle et de panier, afin que les générations ultérieures n’y soient plus bloquées. En nommant ainsi sa ferme, M. Xu s’était préparé à un long combat.

Durant les premières années, il en a payé les frais en tant que novice. Il a dû continuer à apprendre humblement auprès des techniciens agricoles et des anciens. Quelques années plus tard, ses efforts ont fini par porter leurs fruits.

En tâtonnant, M. Xu a trouvé un modèle de culture riz-poisson à cycle écologique, qui ne réclame ni labour, ni désherbage, ni engrais, ni pesticide. Il a également été à l’origine de la construction d’un centre de protection des espèces originales de poissons de rizière de Qingtian, de la collecte des espèces alpines dans les environs, et de l’introduction des serres en verre modernes et de la technologie de propagation artificielle, ce qui a porté la durée de la période de reproduction de deux ans à un. Pour augmenter le taux de survie des poissons, il a développé une technique pour retarder la reproduction des géniteurs et a mis en place une salle de détection des maladies des poissons pour fournir des services gratuits aux pisciculteurs.

Aujourd’hui expert en rizipisciculture, M. Xu aide plus de 3 000 ménages d’agriculteurs dans l’exploitation de la culture riz-poisson, en donnant des formations et des conférences. Il s’engage dorénavant à « procurer aux agriculteurs “un champ à double récolte” et promouvoir largement les “poissons porteurs de prospérité” de Qingtian ».

Sous l’égide du gouvernement local, M. Xu a participé à des projets d’aide ciblée dans le cadre de la coordination nationale entre l’Est et l’Ouest. Par exemple, il a « marié » les poissons de rizière de Qingtian au district de Gulin dans le Sichuan et a promu son modèle de culture riz-poisson dans onze provinces aux terroirs adéquats, dont l’Anhui, le Hubei et le Fujian, apportant aux agriculteurs locaux des alevins et de la technologie en vue de les aider à s’enrichir.

La rizipisciculture condense la sagesse de la Chine dans l’agriculture écologique, les pratiques agricoles traditionnelles et la conservation du patrimoine agricole

Un savoir-faire chinois promu dans le monde

Le village de Longxian, toujours dans le district de Qingtian, s’appuie sur les ressources de la culture riz-poisson pour développer l’agrotourisme. Wu Yongqiang a été l’un des premiers villageois à ouvrir une auberge. La sienne a pour nom « Rizière et poissons » et pour spécialité le poisson de rizière braisé. Son accueil chaleureux et son plat vedette attirent des flux de touristes chinois et étrangers, qui génèrent une recette annuelle dépassant les 350 000 yuans.

Dans la même veine que M. Wu, Yang Xiao’ai s’intéresse à un autre filon. Première présidente et présidente honoraire de l’Association des compatriotes chinois de Qingtian en Équateur, elle a investi 20 millions de yuans dans son village natal pour construire un camp de découverte du patrimoine agricole mondial destiné aux élèves de primaire et de secondaire. Elle espère également mettre à profit ses relations chinoises vivant à l’étranger, en vue d’inviter les descendants des Chinois d’outre-mer et la jeunesse étrangère à goûter au charme de ce joyau de Qingtian.

Sur le plan matériel, ce système agricole chinois s’est déjà exporté, apportant aux populations de nombreux pays en développement l’espoir d’augmenter leurs revenus. Grâce à la coopération Sud-Sud, le Nigéria a adopté la technologie rizipiscicole de Qingtian comme moyen important d’accroître les recettes de ses agriculteurs. Avec l’aide d’experts chinois, la production de riz et de tilapia du Nigéria a presque doublé, ce qui a été bien accueilli par les agriculteurs locaux. Outre l’Afrique, le système de symbiose riz-poisson de Qingtian a également été introduit dans de nombreux pays et régions d’Asie du Sud-Est, d’Asie du Sud, d’Europe et des Amériques.

Ces dernières années, en saisissant des opportunités offertes par l’initiative « la Ceinture et la Route », et en s’appuyant sur plus de 20 000 restaurants tenus par les originaires de Qingtian d’outre-mer, le district a introduit le riz de vivier et le poisson de rizière séché sur les tables étrangères, de sorte à promouvoir la culture agraire et culinaire chinoise.

À l’heure actuelle, Qingtian bénéficie d’un modèle de plantation biologique hautement rentable, appuyé par les avantages écologiques et la technologie. En 2022, la culture riz-poisson du district occupait une superficie de 60 400 mu (4 027 ha) ; le rendement moyen en riz était de 480 kg/mu et celui en poisson 29,5 kg/mu. Au cours de la même année, le secteur a généré un total de 280 millions de yuans et impliqué 35 000 agriculteurs avec une augmentation du revenu moyen de 4 600 yuans par mu.

Selon Luo Ming, directeur adjoint du Bureau de l’Agriculture et des Affaires rurales de Qingtian, si le système de symbiose riz-poisson de Qingtian peut être promu et apprécié à l’étranger, c’est parce qu’il réduit considérablement la dépendance de la culture vis-à-vis des engrais chimiques et des pesticides, améliore la biodiversité de l’écosystème, assure l’équilibre écologique des champs et favorise l’harmonie entre l’homme et la nature, tout en réalisant la double récolte en riz et en poisson.

Source:La Chine au présentAuteur:ZHANG JUAN, XIA YUANYUAN et MA LI

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