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La Guerre en Ukraine déroule l’influence croissante de l’Afrique sur la géopolitique mondiale


Cette année 2022 marque le vingtième anniversaire de l’UA (Union Africaine) depuis sa fondation en 2002 en succession à son prédécesseur, l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine), qui avait été créée en 1963 dans le but d’unir les pays Africains et améliorer leur rôle dans la gouvernance mondiale. Des lors, les pays Africains ont eu une voie plus considérable dans la géopolitique mondiale, surtout en des moments de crise sécuritaire majeure comme celle que traverse notre monde en ce moment.

En effet, au cours des derniers mois, le monde a été témoin de moments les plus tendus dans relations internationales depuis la fin de la guerre froide. La Russie a pris l’initiative le 24 février 2022, de conduire une « opération militaire spéciale » en Ukraine, opération qui est très tôt devenu l’événement le plus dominant des médias internationaux et même de notre vie quotidienne. En fait, des le premier jour de ladite « opération militaire spéciale », l’Ukraine est devenue le centre des projecteurs médiatiques de l’occident. Contrairement à certains conflits oubliés tels que le conflit Israélo-palestinien, le conflit Russo-Ukrainien a bénéficié d’une médiatisation à nul autre pareil, résultant à une rhétorique dominante : « Le discours occidental sur la guerre Ukrainienne ». Discours qui qualifie la Russie d’agresseur, et donc conduisant à une forte condamnation de la Russie et la diabolisation du président Russe Vladimir Poutine.

Le président Ukrainien Volodymyr Zelenskyy, quant a lui a appelé les nations du monde à un soutien politique, financier et militaire pour défendre l’intégrité du pays et protéger le peuple ukrainien contre l’agression Russe. Les pays occidentaux ont réagi en première ligne avec de multiples sanctions économiques contre la Russie allant des institutions gouvernementales aux individus plus proches du pouvoir Russe. Les pays de l’OTAN sont allés plus loin en fournissant des armes lourdes et un soutien militaire consistant au régime Ukrainien, transformant « l’opération militaire spéciale » en une véritable guerre hybride opposant le bloc occidental à la Russie.

À ce stade, les pays du monde ont été amenés autour de la table pour décider du sort de la Russie, les puissances occidentales cherchant à isoler à l’unanimité la Russie du reste du monde. La Russie ayant opposé son droit de veto lors de la résolution du Conseil de sécurité, a dû handicaper celle-ci de toute prise de décision efficace contre elle. Le veto a incité les États-Unis et 94 pays à appeler une réunion d’urgence à l’Assemblée générale des Nations Unies le 27 février 2022 où une motion similaire mais non contraignante a été déposée. La première réunion d’urgence de l’Assemblée générale de l’ONU en 40 ans. Ainsi, le 2 mars 2022, l’ONU a tenu une réunion sur une résolution visant à condamner l’attaque de la Russie contre l’Ukraine. La résolution a été votée par 141 sur les 193 États membres de l’ONU.

L’influence de l’Afrique a été significative sur le résultat du vote avec un taux de participation de 27 97% de tous les votes. En fait, l’Afrique compte pour 54 voix aux Nation Unies, c’est donc un bloc suffisamment grand pour osciller toute résolution des Nations Unies à l’Assemblée générale. Au vu des votes, la majorité des pays africains ont clairement soutenu la cause Ukrainienne avec 28 votes sur 54 (51,85%) en faveur de la résolution condamnant la Russie. Mais près d’un tiers de pays Africain s’est abstenu de prendre parti (17 sur 54). Seul l’Érythrée a rejeté la résolution et a soutenu l’action de la Russie en Ukraine tandis que les 8 autres pays étaient absents.

La guerre en Ukraine intervient à une époque de rivalité accrue entre l’Occident, la Chine et la Russie sur les ressources naturelles en Afrique, le commerce international et les liens politiques. En tant que nations de plus en plus autonomes et indépendantes, les pays Africains ont clairement démontrés qu’elles pouvaient librement s’abstenir, soutenir ou réfuter une résolution  concernant une superpuissance en fonctions de leur intérêt

Cependant nous notons une division flagrante entre les pays africains qui me semblent motiver par les facteurs suivants :

1- Alliance militaires et idéologie partagée

Le groupe de 27 pays africains qui a voté pour la résolution était principalement fait de démocraties alignées à l’occidentale. Ils étaient Bénin, Botswana, Cap Vert,  Comores, République Démocratique du Congo, Gambie, Ghana, Kenya, Lesotho, Libéria, Malawi, Ile Maurice, Niger, Nigéria,  SAO Tome et Principe, Seychelles, Sierra Leone, Tunisie et Zambie. Mais la liste comprenait également quelques régimes « peu démocratiques » ou hybrides. Cependant, ils partagent tous une chose en commun : ce sont tous des alliés des pays occidentaux, avec des liens militaires étroits tels que les bases militaires et les opérations militaires conjointes contre les djihadistes.

Résolution de l'ONU exigeant le retrait des troupes russes d'Ukraine :  pourquoi une partie de l'Afrique s'est abstenueLes pays africains qui se sont abstenus de voter ont soit une alliance militaire avec la Russie comme le Mali et la République centrafricaine par le biais du groupe Russe Vagner, ou alors ont été historiquement soutenues par l’Union Soviétique comme le Zimbabwe et l’Éthiopie, soit alors sont des pays historiquement anticolonialistes comme l’Algérie et le Cameroun. L’Érythrée quant à elle, est allée loin en votant contre la résolution en appui à la Russie. Et même ceux qui ont voté contre la Russie comme le Kenya et le Ghana (membres du Conseil de sécurité au moment du vote) étaient clairement motivés par la violation évidente de l’intégrité territoriale d’une nation souveraine et donc du droit international.

Il convient de remarquer qu’un certain nombre de démocraties fonctionnelles telles que la Namibie, l’Afrique du Sud et le Sénégal – se sont également abstenues malgré leur affinité étroite avec l’Occident. Cela montre clairement que l’Afrique n’est plus, la chasse gardée des pays occidentaux et peut prendre des positions différentes en tant que nations souveraines.

2- Les cœurs et les esprits qui vibrent au même diapason

Ces dernières années, les soutiens militaires Russes aux pays africains dans leur lutte contre le terrorisme et la décolonisation inachevée ont progressivement portée des fruits et séduit les cœurs et esprits du peuple africain. Mais les pays occidentaux sont présents en Afrique même avant les guerres mondiales et sont restés jusqu’ aujourd’hui. Ils ont eu assez de temps pour gagner les cœurs et esprits des Africains par l’éducation, les médias et la culture. Les langues, valeurs, idéologies et liens économiques partagés ont joué un rôle déterminant dans le choix des pays africains pour soutenir l’Occident à travers la guerre ukrainienne. Les médias Russe, par exemple, sont presque inexistants dans de nombreux pays africains, et donc l’exposition excessive des Africains à la rhétorique occidentale à travers leurs médias a porté les fruits escomptés.

3- Les intérêts économiques

Certains pays africains dépendent toujours fortement de l’Occident pour le commerce, et les transferts de technologie. Et cette « politique de dépendance », tout comme «la diplomatie du piège de la dette » en font partie d’un arsenal d’outils des pays occidentaux pour soumettre les pays africains à leur volonté. En retour, il ya des avantages économiques pour les pays africains qui s’alignent, et surtout ceux riches en ressources naturelles tel que le pétrole qui sont devenues des alternatives pour les pays occidentaux pour combler le vide apporté par les boycotts du gaz Russe.

En conclusion, l’Afrique partage plus de responsabilités dans la géopolitique mondiale que jamais auparavant, et son rôle décisif dans les relations internationales pourrait être déterminant pour prendre de grandes décisions telles que celle de la résolution des Nations Unies sur la guerre en Ukraine. L’Afrique sans doute fait preuve de plus d’autonomie sur le plan mondial et accroit sa gouvernance et son influence politique sur la scène internationale. Les pays Africains devraient donc être encore plus respectés, en particulier par les superpuissances qui recherchent des soutiens politiques africains en temps difficiles.

Auteur: TALING TENE RODRIGUE, Cameroun, PhD, chercheur, vice-directeur du Centre d’Etudes Francophones, Institut d’Etudes Africaines, Université Normale du Zhejiang, Chine. Courriel: rodriguetaling@outlook.com

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