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COVID-19 et fermeture des frontières: des contournements pour éviter la police à Koloko et Yenderé


Les compagnies de transport déversent leurs passagers à Koloko, des voyageurs voulant aller au Mali usent de plusieurs moyens pour traverser la frontière.

Le Burkina Faso a fermé ses frontières, depuis le 21 mars 2020, à cause de la maladie à coronavirus. Cinq mois après, nous nous sommes rendu à la frontière Burkina-Mali dans la ville de Koloko dans la province du Kénédougou et le lendemain à la frontière Burkina-Côte d’Ivoire à Yendéré dans la Comoé. Constat : bien qu’officiellement fermé, le trafic se poursuit sous d’autres formes entre ces pays sur fond de corruption et de cache-cache.

Lundi, jour de marché à Koloko, localité située à une quarantaine de kilomètres de Orodara, chef-lieu de la province du Kénédougou, région des Hauts-Bassins. Dans la matinée, le marché grouille de monde. A quelques encablures se trouvent la gendarmerie, la douane et la police des frontières. A la gendarmerie et après des contrôles, nous nous dirigeons vers la frontière. Au cours de notre traversée, nous croisons des tricycles à bord desquels des dizaines de femmes et d’hommes avec leurs sacs de voyage à côté. A la police des frontières, des usagers à moto traversent la barrière après quelques contrôles des policiers de faction. Là, nous sommes gentiment reçu par les « gardiens » des lieux qui, visiblement, étaient embarrassés par notre présence.

Et ce sont des coups de fil qui se suivent lorsque nous leur avons expliqué que nous étions là pour un reportage sur la fermeture des frontières. Refusant toute conversation, les policiers nous invitent à nous adresser à leur hiérarchie. (ce que nous avons fait et n’avons pas reçu de suite). A notre retour dans la ville de Koloko, nous rencontrons des passagers dans des tricycles positionnés au niveau du marché. A la question de savoir où ils vont, une passagère nous répond : « Nous allons à Hermakonon ». Hermakonon est le premier village malien après la frontière. Vous allez pouvoir passer ? Demandons-nous. « Nous étions allés là-bas. On nous a fait retourner en nous demandant de revenir vers midi ». Vous allez pouvoir passer, insistons-nous ?

« On nous a dit de revenir vers midi en tout cas ». Selon de nombreux témoignages recueillis à Koloko, il y a toujours le trafic au niveau de la frontière. Sous anonymat, un usager qui emprunte régulièrement l’axe Koloko-Mali raconte. « Nous arrivons à traverser la frontière soit à moto soit avec des tricycles. A la police nous payons 3000 F CFA. Si nous négocions on nous prend 2000F CFA. Au retour nous payons les mêmes montants. Avec les tricycles chaque passager paie 3000 F CFA à chaque traversée». Cet usager ajoute qu’il y a aussi des voies de contournement pour rentrer au Mali. « Il y a des pistes que nous empruntons aussi pour contourner la police et rentrer au Mali, soit à moto soit avec les tricycles. Là nous payons 5000F CFA par traversée au conducteur ».

Des « arrangements » pour passer la frontière

A Koloko, c’est à bord des tricycles que
les passagers parviennent à traverser
la frontière soit par la voie normale,
soit par des voies de contournement.

En plus des tricycles positionnés au niveau du marché, il y a des cars. Selon l’un des transporteurs, les compagnies de transport acheminent les voyageurs à Koloko seulement. « Nous quittons Bobo et nous nous arrêtons ici à Koloko. Nous ne pouvons pas traverser la frontière. Nous ne nous approchons même pas. Ce sont les tricycles qui prennent le relais. Ils demandent 2000F CFA ou 3000F CFA pour traverser la frontière. Le transport revient alors plus cher aux passagers », a-t-il relevé. Un autre transporteur, Dramane Yimata, conseiller de l’Union nationale des transporteurs en commun du secteur informel du Burkina, confirme : « Les passagers qui veulent aller de l’autre côté sont obligés de négocier avec les tricycles.

De Koloko à Hermakonon, vous payez 2000F CFA. C’est un arrangement sinon on ne devrait pas sortir, mais il y a des situations où on n’a pas le choix ». Le trafic au niveau de cette frontière est une réalité et dans certains milieux on parle même d’arrangement. « Normalement personne ne devrait traverser la frontière. Mais nous faisons souvent des arrangements. Des Burkinabè qui sont en règle peuvent rentrer au pays. Mais nous négocions avec des autorités sécuritaires pour que certains puissent sortir pour leurs besoins. Ce sont des arrangements. Si tu tiens à sortir tu es obligé de faire quelque chose. Des gens sont prêts à faire des sacrifices pourvu que leur objectif soit atteint. Beaucoup de personnes sont venues nous voir pour traverser la frontière sachant qu’elle est fermée. Ce sont des négociations que nous faisons.

Et dans les négociations il y a des propositions. », a dit M Yimata. Tout en parlant d’arrangement, celui-ci soutient néanmoins n’avoir pas vu de policiers prendre de l’argent avec les passagers pour pouvoir traverser la frontière : « J’en ai entendu parler, mais personne n’est venu se plaindre chez nous parce qu’un policier a pris son argent pour le laisser traverser la frontière.» A l’entendre, plusieurs raisons poussent les gens à vouloir traverser la frontière et il n’a pas le choix que de les aider lorsqu’il est sollicité. « Il y a des situations qui peuvent créer d’autres beaucoup plus difficiles. Beaucoup d’activités sont arrêtées. Nous avons de plus en plus de chômeurs. Il faut qu’ils sortent pour voir ailleurs. Si on refuse, cela peut créer d’autres problèmes. S’il n’y a pas de petites ouvertures au niveau des frontières, nous risquons d’aller à une situation beaucoup plus compliquée que le coronavirus », craint Dramane Yimata.

Selon un habitant de Koloko, le trafic est d’actualité dans cette ville malgré la fermeture

A cause de la fermeture des frontières,
nous descendons nos passagers à Koloko,
a dit ce transporteur sous anonymat).

des frontières. Et selon certaines sources, les mouvements au niveau de la frontière sont favorisés par des interventions à un certain niveau. Mais le seul cas qui nous a été signalé est celui de 102 Burkinabè qu’on a autorisés officiellement à passer la frontière. A Koloko les usagers continuent d’enjamber la frontière soit en passant par la voie bitumée, où il y a des contrôles, soit par des pistes. Des réseaux se sont même constitués et les acteurs essaient de tirer profit de la fermeture de la frontière Burkina-Mali. « Les cars qui partent de Koloko pour Orodara ou Bobo-Dioulasso sont chaque fois pleins alors que la frontière est fermée. Tout ce beau monde n’est quand même pas de Koloko », s’exclame un autre habitant de la ville.

Quelques mois plus tard, soit en août 2020, nous repartons sur les lieux. A bord d’une compagnie de transport de la place, nous descendons à Koloko et le car poursuit son trajet dans une autre ville. Ce jour, tout est calme à Koloko. Les cars, qui étaient stationnés aux abords des postes de contrôle, n’y sont plus…Aucun tricycle ne rodait autour. Nous nous attachons alors les services d’un motocycliste. Mais arrivé au niveau du poste-frontière, les policiers récupèrent notre carte d’identité. Après une trentaine de minutes de concertations entre eux, nous sommes gentiment refoulé des lieux. Pendant que nous étions là-bas, deux tricycles, des passagers à bord, étaient stationnés à l’entrée de la frontière, côté malien. Selon ce qui nous a été rapporté à Koloko la traversée de la frontière se poursuit avec beaucoup plus de discrétion qu’auparavant.

Ceux qui désirent aller de l’autre côté sont, pour la plupart, orientés vers Sifarasso, une ville située à une quinzaine de kilomètres de Koloko et à quelques encablures de la frontière. Elle n’a ni police ni gendarmerie. « Les tricycles sont là-bas pour ça…vous pouvez négocier avec eux. C’est autour de 500F CFA», nous dit un habitant de cette ville que nous avons rencontré à Koloko. C’est d’ailleurs ce qui nous avait été proposé lorsque nous avons dit au convoyeur du car que nous avons emprunté que nous voulions aller au Mali.

Mesure plus ou moins respectée à Niangoloko

Autre lieu, autre réalité. Nous empruntons l’axe Banfora Niangoloko dans la Comoé, région des Cascades.
Sur ce tronçon, nous rencontrons quelques cars de transports en commun et des remorques. Mais sur l’axe Niangoloko-Yendéré, à la frontière Burkina-Côte d’Ivoire, seuls des camions et quelques tricycles transportant des sacs sont visibles. A Yendéré, les commerces à proximité du poste de contrôle de la police sont fermés. A notre présence, seul un camion a traversé la frontière. Des usagers à motos aussi traversent la barrière.
Mais selon des explications, ce sont les habitants d’un village, Dangbè, situé tout juste après le poste de police en territoire burkinabè.

Ali Ouédraogo : « Depuis l’avènement
du coronavirus,
nos véhicules ne peuvent plus aller
en Côte d’Ivoire parce que
les frontières sont fermées » .

A la frontière Burkina –Côte d’Ivoire, la mesure de fermeture est plus ou moins respectée comme nous le confirme Ali Ouédraogo de l’Union nationale des transporteurs routiers du Faso. « Depuis l’avènement du coronavirus, nos véhicules ne peuvent plus aller en Côte d’Ivoire parce que les frontières sont fermées. Seuls les remorques et les camions entrent ou sortent, mais pas les transports en commun. Mais nous avons arrêté d’aller en attendant l’ouverture des frontières parce qu’en côte d’Ivoire nous subissons trop de tracasseries ».

Un autre habitant, Edouard Karama, transporteur, ajoute : « Je ne suis pas au courant que la police prend de l’argent avec les passagers pour les laisser traverser la frontière. Ce que je sais c’est que les locaux de la police sont pleins de motos des gens qui ont voulu traverser la frontière malgré la mesure. Nous sensibilisons nos membres à la fermeture des frontières, mais comme partout ailleurs, il y a toujours des brebis galeuses qui tentent souvent de traverser en essayant d’emprunter les voies de contournement». C’est sans doute le cas des Burkinabè interceptés en Côte d’Ivoire.

Sur ce point, Edouard Karama souligne. « Les gens se sont cachés pour partir à notre insu. C’est déplorable et cela prouve qu’il faut ouvrir la frontière ». L’ouverture des frontières est d’ailleurs le souhait tant à Kokolo dans le Kénédougou qu’a Niangoloko dans la Comoé. « Nous demandons aux autorités de revoir leur copie parce que si les frontières ne rouvrent pas, on risque d’avoir une autre COVID, la COVID -20. Un homme qui a faim n’a point d’oreille. On peut voir comment initier, au niveau des frontières, des contrôles tant à l’arrivée qu’au départ. », suggère M. Karama.

Adaman DRABO

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