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Côte d’Ivoire. Les bruyants silences de l’église catholique


Les évêques catholiques de notre pays se sont récemment prononcés sur la situation dans notre pays. Et le moins que l’on puisse dire est qu’ils n’y sont pas allés avec le dos de la cuiller. Selon leur porte-parole, notre pays serait en proie à « la violence, les braquages à main armée, la formation au rabais avec une volonté inavouée d’abrutir tout un peuple, de détruire toute une jeunesse, la prostitution à ciel ouvert, et les zones rurales en proie à l’orpaillage… » Il note aussi qu’il n’y a « aucun geste de remord chez les bourreaux, que les Ivoiriens restent divisés alors qu’on fait croire qu’ils vivent en bonne intelligence, que le peuple est constamment humilié et pris en otage, etc. ». Il se demande même dans quels quartiers, dans quelles villes les Ivoiriens vivent en bonne intelligence comme on l’affirme.

Personnellement ce réquisitoire de l’église catholique ne m’a guère surpris. Cela fait longtemps qu’elle ne cache pas sa détestation d’Alassane Ouattara et son affection pour Laurent Gbagbo. Déjà en décembre 2010, lors de la crise post-électorale, elle avait clairement affiché sa préférence, en dépit de toutes les évidences, ce qui m’avait amené à écrire une lettre ouverte au cardinal Agré le 23 décembre 2010, dont je vous livre de larges extraits : « Votre Eminence, dois-je vous rappeler que c’est sous vos auspices que Laurent Gbagbo et feu Robert Guéï avaient passé en 2000 un pacte selon lequel Gbagbo acceptait que Guéï devienne le président tandis que lui-même se contenterait du poste de Premier ministre ? Guéï a raconté cette histoire peu de temps avant d’être assassiné. A cette occasion, il vous avait attribué des qualificatifs si peu élogieux que je me garderais bien de les reproduire ici. Vous n’avez pas démenti. L’accession de Laurent Gbagbo au pouvoir en 2000 s’est soldée par la mort de centaines de personnes. Jusqu’à ce jour je ne vous ai pas entendu condamner ces massacres. C’est dans les sous-sols de votre cathédrale que Robert Guéï s’est refugié le 19 septembre 2002, et c’est là-bas que les soldats de Laurent Gbagbo sont allés le chercher pour l’abattre comme un chien sur la corniche de Cocody, sans que l’on sache encore à ce jour qui les avait informés de sa présence dans vos locaux. Je ne vous ai pas entendu condamner cet assassinat. En mars 2004, Laurent Gbagbo a fait tirer sur les personnes qui avaient voulu manifester pour demander l’application de l’accord de Linas-Marcoussis. L’ONU a compté 120 morts. Je ne vous ai toujours pas entendu condamner ce massacre. En 2008, Laurent Gbagbo a fait tirer sur les femmes qui manifestaient contre la vie chère. Toujours aucune condamnation de votre part. Et en ce mois de décembre 2010, mois de la venue sur terre du fils du Dieu que vous adorez, vous n’entendez pas les cris des personnes que les mercenaires libériens assassinent et torturent toutes les nuits, des femmes qu’ils violent. L’ONU a compté à ce jour 173 tués, des centaines de blessés, des dizaines de cas de torture et de disparitions. Combien de litres de sang faut-il pour étancher la soif de pouvoir de Laurent Gbagbo ? Vous demandez que l’on prie pour toutes ces victimes, mais vous ne condamnez pas les auteurs que vous connaissez bien. Quel genre de pasteur êtes-vous donc, cardinal Bernard Agré ? »

Aujourd’hui l’église catholique nous dit qu’elle ne sait pas dans quelles villes, dans quels quartiers les Ivoiriens vivent en bonne intelligence. Il serait plus responsable de sa part de nous dire où les Ivoiriens sont en train ou sont sur le point de s’entretuer, afin que l’on prévienne cela. Parce que moi, j’ai beaucoup sillonné le pays et la dernière fois que j’ai vu des populations ivoiriennes s’attaquer à d’autres, c’est lorsque le président Henri Konan Bédié avait lancé son mot d’ordre de désobéissance civile. Oui, à cette occasion j’ai vu effectivement des communautés s’entretuer. Mas aujourd’hui j’aimerais bien que les évêques nous disent où il y a danger. Les évêques parlent aussi de la prostitution à ciel ouvert. Oui, comment en serait-il autrement lorsque les leaders religieux chrétiens eux-mêmes ne sont préoccupés que par l’argent devenu leur nouveau dieu ? N’a-t-on pas vu une vidéo dans laquelle un responsable de l’église catholique recevait une grosse liasse de billets de banque de la part d’un leader politique ? Où parle-t-on de pédophile et d’actes barbares commis sur des enfants partout dans le monde en ce moment, si ce n’est dans l’église catholique ? Zadi Zaourou disait que lorsque vous tendez un doigt rageur vers l’autre, n’oubliez jamais que trois de vos propres doigts sont dirigés vers votre cœur.

Comme l’a dit le ministre Amadou Coulibaly, les évêques catholiques et nous, vivons dans deux mondes différents. Qu’ils reviennent dans le nôtre et jettent un regard sur tout le continent. Qu’ils regardent par exemple le Nigeria, la première économie d’Afrique. Qui a envie d’aller y vivre ? Qu’ils regardent l’Afrique du sud qui avait tant fait rêver ; il n’y a plus d’électricité et la criminalité y atteint des records mondiaux. Qu’ils regardent tous nos voisins, le Niger, le nord du Togo et du Bénin, la RDC, le Congo, le Gabon, le Cameroun, le Tchad, l’Ethiopie, la Libye, le Soudan… Ils comprendront alors le sens de cette phrase qu’a prononcée un jour un politicien ghanéen : « les Ivoiriens sont des gens heureux, mais ils ne le savent pas. »

Venance Konan/https://lebanco.net

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