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Burkina: l’épidémie du covid-19 atteint les plus hautes sphères de l’Etat


Au Burkina Faso, certains ont d’abord cru à une fausse nouvelle, avant que l’information ne soit confirmée par les intéressés eux-mêmes. « Le diagnostic […] a révélé que je suis positif au coronavirus », a annoncé le ministre de l’éducation burkinabé, Stanislas Ouaro, sur Facebook, le 19 mars, suivi le lendemain de son homologue de l’administration territoriale, puis des mines et encore des affaires étrangères. « La rumeur est devenue réalité… Je viens d’être notifié positif au Covid-19 », a révélé le chef de la diplomatie, Alpha Barry, deux jours seulement après avoir formellement démenti la même « rumeur ».

Lundi 23 mars, ce fut au tour du ministre du commerce, Harouna Kaboré, de faire son « mea culpa ». Au total, pas moins de cinq ministres, sur les vingt-neuf membres que compte le gouvernement burkinabé, ont indiqué avoir été diagnostiqués positifs au coronavirus. La sphère diplomatique est également touchée, avec la contamination de l’ambassadeur d’Italie et des Etats-Unis au Burkina Faso.

« Exemplarité »

Depuis cette série d’annonces, la polémique enfle sur les réseaux sociaux. Les autorités sont accusées de n’avoir pas pris au sérieux la gravité de la pandémie. Beaucoup s’interrogent : comment ces ministres ont-ils pu être infectés ? Ont-ils respecté les fameux gestes barrières qu’eux-mêmes préconisent ? Du côté de l’opposition, la grogne monte. Ablassé Ouédraogo, le président du parti Le Faso Autrement, critique un « laxisme » du gouvernement dans la gestion de l’épidémie. « Le sommet de l’Etat doit exemplarité et redevabilité au peuple. Si d’autres ministres et députés ont été contaminés, ce qui est très probable, on nous doit la vérité pour limiter la propagation ! », argue-t-il.

L’épidémie s’accélère dans ce pays qui est désormais le plus touché en Afrique de l’Ouest. A la date du 24 mars, le centre des opérations de réponse aux urgences sanitaires (Corus) a recensé 114 cas positifs, dont 4 décès, parmi lesquels celui de la députée de l’opposition et deuxième vice-présidente de l’Assemblée nationale, Rose-Marie Compaoré Konditamdé. « La chaîne de contamination est principalement communautaire, explique le professeur Martial Ouedraogo, le coordonnateur national de la réponse à l’épidémie de Covid-19. La difficulté est de détecter les malades qui ne se signalent pas et de retrouver les personnes contacts. »

Selon nos informations, les jours suivant la détection des deux premiers cas de coronavirus au Burkina Faso le 9 mars − un pasteur burkinabé et son épouse de retour d’un rassemblement religieux à Mulhouse, en France −, plusieurs cérémonies officielles, notamment des déplacements sur le terrain, ont été maintenues. Le 11 mars, lors du dernier conseil des ministres, du gel hydroalcoolique était disponible, mais certaines mesures de prévention comme le port de masque ou la distance de sécurité n’ont pas été respectées, assure un journaliste présent.

« Entre la contamination et l’apparition des premiers symptômes, il est compliqué de savoir que l’on est infecté, on ne peut pas faire des tests systématiques. Les ministres ont été en contact avec de nombreuses personnes, la spirale est difficile à arrêter », glisse une source à la présidence. Si le virus n’épargne personne, la contamination de membres éminents de la classe politique inquiète particulièrement la population. Les rumeurs s’affolent même de l’état de santé du président, Roch Marc Christian Kaboré. « Il se porte bien et ne présente aucun symptôme », dément un membre de son entourage. Selon la présidence, des mesures strictes ont désormais été mises en place au palais de Kosyam, avec l’utilisation de solutions hydroalcooliques, l’application de règles de distanciation, le port du masque pour le personnel ou encore le nettoyage régulier des surfaces de contact.

« Se préparer au pire »

L’aggravation de l’épidémie est un nouveau coup dur pour le Burkina Faso, qui doit déjà faire face à la multiplication des attaques terroristes depuis 2015 et à une crise humanitaire d’une ampleur inédite. Cette crise du Covid-19 vient mettre à rude épreuve le système de santé déjà très fragile de ce pays pauvre du Sahel. Manque de lits en réanimation, de ventilateurs, d’incinérateurs ou encore de tests de dépistage, qui seraient en quasi-rupture à ce jour : les agents de santé tirent la sonnette d’alarme. « On n’était pas préparés à cela, on a voulu gérer l’épidémie comme Ebola. Sans solution rapide, on court vers un scénario catastrophe », alerte Alfred Ouedraogo, le secrétaire général du Syndicat des médecins du Burkina Faso.

Les autorités ont annoncé un plan de riposte qui devrait coûter à l’Etat 11 milliards de francs CFA (16,7 millions d’euros). Le centre hospitalier de Tengandogo, à Ouagadougou, a été réquisitionné pour accueillir les malades, mais serait déjà saturé. Un deuxième centre de prise en charge doit être installé dans la capitale.

Vendredi 20 mars, le président Kaboré a annoncé, lors d’une déclaration à la télévision nationale, une série de mesures restrictives, telle que la fermeture des aéroports et des frontières terrestres, l’instauration d’un couvre-feu de 19 heures à 5 heures du matin et la fermeture des bars, des restaurants et des grands marchés. Le 14 mars, les autorités avaient déjà décidé de suspendre les écoles et universités, après avoir interdit, trois jours plus tôt, les manifestations et les rassemblements publics et privés. « La lutte contre le Covid-19 doit être une priorité », insiste le chef de l’Etat alors que l’Organisation mondiale de la santé appelle le continent africain à « se préparer au pire ».

Le Monde

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