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Procès du putsch : «les auteurs doivent confesser leurs péchés», Jean-Baptiste Ouédraogo


L’ancien Président du Faso, Jean-Baptiste Ouédraogo, a été entendu au tribunal militaire, le lundi 11 mars 2019 en sa qualité de témoin dans le cadre du procès du putsch de septembre 2015. Il a plaidé la clémence du tribunal à l’endroit des accusés, gage d’une véritable réconciliation entre Burkinabè.

Le passage de l’ancien Président du Faso, Jean-Baptiste Ouédraogo, était l’un des plus attendus parmi les témoins du procès du putsch. Le lundi 11 mars 2019, il a lu une déclaration liminaire à l’adresse du tribunal avant de donner son témoignage sur les évènements du 16 septembre 2015 et jours suivants. Son message est un appel au patriotisme et à la promotion du vivre-ensemble. «Laissons le passé au passé. Nous ne pouvons pas tout juger. Notre nation a besoin de tous ceux qui se sont détournés du droit chemin. J’en appelle à la clémence exceptionnelle du tribunal car certains ont agi par omerta. Et l’essentiel est de savoir les donneurs d’ordre», a-t-il déclaré. En ces termes, le témoin a interpellé le peuple à se concentrer sur le développement du pays. «Pour ce faire, chacun d’entre nous doit contribuer à la paix et à la cohésion nationale. Pour y arriver, les auteurs du putsch doivent confesser leurs péchés afin d’avoir l’absolution», a expliqué Jean-Baptiste Ouédraogo. Après ce cri du cœur, il est revenu sur les faits.

Selon lui, il a reçu l’information de l’arrestation des autorités aux environs de 16 h du Chef d’état-major général des armées (CEMGA) de l’époque, le général Pingrenoma Zagré, qui l’a invité à se joindre à une réunion de la Commission de réflexion et d’aide à la décision (CRAD) au ministère de la Défense nationale et des Anciens combattants (MDNAC). A la rencontre, le général Gilbert Diendéré a informé les participants de l’arrestation des autorités par des éléments de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) et a demandé à la hiérarchie militaire d’assumer la situation. Aux dires du témoin, le désaveu de l’armée était clair et net. «A toutes les réunions auxquelles j’ai participées, le refus était net», a soutenu le président Jean-Baptiste Ouédraogo.

Lorsque les tractations n’ont pas abouti, le général Diendéré a fait lire un communiqué portant la date du 16 septembre qui a donné au président Ouédraogo, l’impression d’être une proclamation d’un coup d’Etat ; le témoin a expliqué qu’il a demandé à se retirer. Il a aussi démenti avoir fait un quelconque amendement au texte du communiqué. «J’ai juste fait une remarque sur la date pour faire noter qu’au petit matin (3h), ce n’était plus le 16 mais le 17 septembre 2015.

Passé la longue nuit de négociation infructueuse, je n’ai été associé qu’aux négociations du 21 septembre», a-t-il indiqué. Il s’est agi de faire lire une déclaration au général Diendéré par laquelle celui-ci reconnaîtrait se soumettre, de même que l’ex-RSP, au commandement de l’armée. Mais le texte lu était différent de ce qu’ils ont présenté. «Le général a volontairement tronqué les parties qui ne leur étaient pas favorables», a souligné le témoin. Leurs actions à ce moment, a confié le médecin-commandant, visaient à éviter un affrontement fratricide entre militaires en plein cœur de Ouagadougou.

Avouer les péchés

Puis vint l’épisode du 29 septembre. L’ancien président a relaté au tribunal l’épisode des appels téléphoniques entre lui, le CEMGA Zagré, l’ancien ambassadeur américain, Tulinabo Mushingi, le nonce apostolique (ambassadeur du Vatican) au Burkina Faso, Piergiorgio Pertoldi et le général Diendéré. Il a détaillé qu’il a été sollicité par le CEMGA pour faire entendre raison au général Diendéré afin d’éviter l’affrontement en appelant ses hommes à rendre les armes. Après échanges, le général Diendéré a voulu se rendre à l’ambassade des USA pour appeler, par voie de presse, ses hommes à la reddition. Seulement, l’ambassadeur Tulinabo a refusé d’ouvrir les portes de l’ambassade au général car n’ayant pas eu l’autorisation de Washington. Mushingi aurait suggéré de se référer au nonce apostolique, plus proche du camp Naaba Koom II. Ce dernier ayant donné son accord, le message du général a finalement été livré sur les ondes de la radio Oméga et celui-ci s’est rendu chez l’émissaire du Vatican, lieu d’où il sera arrêté plus tard par les services de gendarmerie.

En réaction, le prévenu Diendéré a soutenu que le CEMGA ne l’a jamais appelé pourquoi que ce soit. D’ailleurs, pour ce qui est de sa présence à l’Ambassade des USA, il s’agissait d’une réunion qui, finalement, n’a pas eu lieu. «J’ai même rendu compte au président du non-lieu de la rencontre», a-t-il ajouté. Aux interrogations du parquet sur certains aspects des événements, le président Jean-Baptiste Ouédraogo a dit ne pas vouloir accorder de l’importance aux détails. Pour lui, l’essentiel se résume à la réponse à ces questions : «qui a été le donneur d’ordre ? L’acte a-t-il été prémédité ? Qui endosse la responsabilité ?». Le témoin a insisté que «seul quelqu’un de responsable peut répondre à ces questions et libérer beaucoup de consciences car c’est en raison de l’omerta que bon nombre d’accusés ont agi. Il est donc temps que les brebis égarées avouent leur péché afin d’avoir l’absolution».

Pour lui, seuls ceux qui ont opéré les arrestations peuvent donner le nom du donneur d’ordre. Jean-Baptiste Ouédraogo a beaucoup invoqué la réconciliation nationale, exhortant exceptionnellement le tribunal à faire preuve de clémence pour éviter d’exacerber des rancœurs et des désirs de vengeance et surtout tenir compte de la situation de certaines personnes qui, par devoir militaire et légitime conscience de représailles, ont été amenés à exécuter des ordres. «La clémence ouvrira la voie à la cohésion et la réconciliation nationales que tous appellent de leurs vœux. Ce procès doit offrir au tribunal l’opportunité de donner des leçons d’éducation civique et politique pour marquer la limite entre les milieux politique et militaire», a plaidé l’ancien président burkinabè. Et Me Prospère Farma d’espérer que cet appel sera entendu mais pour l’heure, il faut que la responsabilité soit assumée. Sinon, «on parlera d’un coup d’Etat orphelin de père et mère». L’audition de Jean-Baptiste Ouédraogo se poursuit ce mardi 12 mars 2019 toujours avec les questions des avocats de la partie civile.Sidwaya

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