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Palais de Issouka à Koudougou : un conservatoire vivant d’histoire et de traditions


Le site touristique de Issouka est un ensemble architectural traditionnel pittoresque bâti en matériaux locaux.

Au cœur de la ville de Koudougou, cité du « Cavalier rouge », se dresse un site touristique majestueux : le palais royal dans le quartier Issouka. En vacances et en visite guidée ou de passage, scolaires, étudiants, particuliers, universitaires viennent s’abreuver aux sources de l’histoire et de la culture nationales. Retour sur une visite guidée de ce complexe touristique, mémoriel et culturel, chargé d’histoire, de symboles, de récits.

Palais de Issouka ! Plus qu’une cour royale, c’est un complexe touristique et culturel. Composé du musée Rayimi (n’oublie pas en langue mooré), de la place Naba Baongho et du palais Maasmè, ce site trône au cœur de la cité du « Cavalier rouge »,  Koudougou. Un ensemble architectural traditionnel bâti en matériaux locaux, le tout rehaussé par l’éclat pittoresque d’un cocktail de peintures et de couleurs artistiquement dosées. « Le palais est un bâtiment en R+1 construit en banco selon le concept des Voutes nubiennes, par une association basée à Boromo.

L’objectif, c’est de valoriser les matériaux traditionnels et de lutter contre la déforestation », explique le gérant du site, Patrick Rossi, de nationalité française. Le palais n’est pas un lieu d’habitation mais un espace destiné aux activités de la chefferie traditionnelle. Quant aux salles du musée Rayimi, elles épousent l’architecture du terroir. « Le premier bâtiment est de type gourounsi, les autres salles sont des cases traditionnelles moaga améliorées ! Nous essayons de conserver l’esprit de la culture et des traditions de la région », soutient M. Rossi.

Ce jour de dimanche du mois de juillet, Hamidou Sako, étudiant en 2e année au département d’histoire et d’archéologie de l’université Norbert-Zongo de Koudougou et ses camarades ont rendez-vous avec l’histoire de la capitale du Centre-Ouest. Assis sur des chaises ou debout, sous les manguiers ombragés qui séparent l’habitat de la cour royale de l’unique barrage de la ville, ils attendent les guides pour la visite des lieux.

Sur fond de sonorités musicales et de senteurs savoureuses provenant du bar-restaurant bordant le barrage, l’impatience se lit sur les visages des touristes du jour. Le paysage ombragé, l’air frais venant des eaux, offrent un micro climat clément, agréable, qui confère au nom Maasmè (ombre fraîche en langue nationale mooré) du Palais tout son sens.

Le varan, le totem des Yaméogo

Le moment tant rêvé est enfin là ! Sous la conduite de deux jeunes guides, Patrick et Augustin, l’excursion touristique peut commencer. La quarantaine de jeunes touristes locaux s’ébranle vers le Palais Maasmè. A l’entrée, se dressent majestueusement les statues de Yennenga et de Riâlé, figures emblématiques de l’histoire des Mossé
de Tenkodogo. Plus d’une dizaine de statues-blocs géantes d’artistes, de musiciens, de guerriers, etc., trônent au-dessus de la bâtisse, surmonté d’un ″minaret″ sur lequel est perché un varan, l’animal mythique, et totem des Yaméogo de Koudougou.

Cette bête aurait sauvé l’aïeul des Yaméogo, le fondateur de Issouka, Bassanga, et sa famille de la soif, en leur permettant de découvrir le « boulkiemdé » (grand puits en mooré), explique l’un des guides.

Le promoteur du site Maasmè, Naaba Saaga 1er :
« L’objectif est d’intéresser la jeunesse à la culture
et de laisser un héritage à la postérité ».

A l’intérieur, au rez-de-chaussée, se dresse le dispositif de la salle d’audience, où le chef de Issouka, entouré des six chefs de zones qui exercent un pouvoir délégué du chef dans leurs territoires respectifs, reçoit la communauté. La solennité des lieux capte l’attention ! Les visiteurs du jour écoutent religieusement le récit du guide sur l’organisation pratique et le protocole traditionnel qui entourent les audiences de sa majesté.

« Peut-on prendre des photos? », questionne une voix. Le guide acquiesce de la tête. Aussitôt, les touristes d’une matinée rivalisent à qui fera le plus beau selfie (autoportrait photographique pris seul ou au sein d’un groupe, ndlr). Les flashs des téléphones portables Androïd crépitent aux quatre coins de ce haut lieu chargé de symboles, d’histoire et de traditions. Chacun tient à immortaliser son passage au palais !

Après un tour dans la salle des rois, où le chef ne parle que la langue mooré, et la salle de conférence, le cap est mis sur la place Naaba Baongho. C’est à cet endroit que le chef s’adresse à la population lors de sa fête traditionnelle annuelle, le Nabasga. Sur les murs de cet espace, l’histoire de la fondation du quartier Issouka, et partant, de la ville de Koudougou, se laisse lire à travers les images commentées de l’itinéraire de son fondateur Bassanga, venu du Nord de l’actuel Ghana.

« Ici, on ne filme pas »

Le musée Rayimi, le point de chute de la visite, cristallise toutes les attentions. Dans ce sanctuaire du passé, les découvertes sont aussi surprenantes qu’impressionnantes, et les récits des guides saisissants ! Les consignes sont différentes d’un espace à un autre. « Ici, on ne filme pas, on ne prend pas de photos ! », se hâte de prévenir le guide. D’une pièce du musée à une autre, les visiteurs se précipitent, pour découvrir en premier les merveilles des temps anciens.

Les yeux hagards, remplis d’étonnements et de questionnements, font rapidement le tour des vieux objets d’art traditionnel, des photos, accrochés aux quatre murs, avant de revenir se fixer plus posément sur ces vestiges, témoins présents du passé. La première voiture à fouler le sol de Koudougou (la Citroën 5CV) en 1925 avec à son bord le premier commandant de cercle de la cité du « Cavalier rouge », la première église de la région, les parures féminines de la société traditionnelle, les armes anciennes, les masques moaga et gourounsi, les images du premier prêtre, du premier El hadj de Issouka, etc.…

Le directeur général de l’ONTB, Nelson Congo :
« Si le musée Rayimi n’existait pas, il fallait le créer».

Tout y est pour une remontée dans le temps et se ressourcer! Le métier à tisser ancestral, les instruments de la filature ancienne, les vestiges de l’usine Fasofani fermée en 2000, les pagnes traditionnels, etc., rappellent le passé de Koudougou, jadis grande région cotonnière et de filature depuis l’ère coloniale. Ainsi, en l’espace d’une heure, les étudiants-touristes revisitent l’histoire traditionnelle, de la pénétration coloniale et du christianisme à Koudougou. Le site Maasmè, c’est aussi une bibliothèque, une salle d’exposition et de spectacle situées au premier étage du palais.

« Des choses incroyables… »

Au sortir de ce tour guidé du complexe touristique et culturel Maasmè de Issouka, le quartier qui a vu naître l’émérite journaliste Norbert Zongo, le bonheur que l’on vient de vivre est palpable sur les visages rayonnant d’émerveillements. Les imposantes statues du premier chef de Issouka et des deux lions qui se dressent sur la place Naaba-Baongho sont pris d’assaut par les jeunes pour une partie de selfies. « C’est une visite très merveilleuse ! L’architecture, les statues sont déjà impressionnantes, sans compter l’histoire de la cité du Cavalier rouge que nous ont racontée les guides », se réjouit le jeune Sako. Tout comme lui, l’étudiante Minata Séré, sort bien instruite sur l’histoire de sa ville hôte.

Elle voit en cette visite un complément pratique des enseignements qu’elle reçoit à l’université. « Nous avons été ravis de connaître la création, l’organisation de Issouka. Nos connaissances sur la fondation de la ville de Koudougou ont été approfondies. L’on peut considérer cette visite comme un cours pratique d’histoire », affirme-t-elle, toute souriante. D’autres repartent de cette sortie, avec des projets de recherche en tête. « Nous avons vu des choses incroyables que nous n’avions jamais vues auparavant.

En tant qu’étudiant, cette sortie m’inspire des sujets de recherche sur l’histoire de la ville de Koudougou et du Burkina Faso en général », confie l’étudiant en histoire, Baya Lancina. La visite se termine par les échanges directs avec sa majesté himself. Initié par Naaba Saaga 1er, cet arbre à palabre avec les plus jeunes, devenu « rituel », se tient les week-ends en compagnie d’une autorité religieuse ou coutumière. Cet après-midi de dimanche, l’exercice avec la cinquantaine d’étudiants ressortissants de Safané et Bittou a lieu en présence du curé.

A bâtons rompus, dans une ambiance décontractée, le chef de Issouka échange sans tabou sur presque tous les sujets avec ses hôtes du jour. La culture, l’histoire, la citoyenneté, le civisme, la religion comme source de paix, d’unité, de cohésion, les motivations autour de la création du musée Rayimi, la participation à l’édification de la nation, etc., sont au menu de ce ″Conseil″. « Soyez des citoyens bâtisseurs qui font la fierté de vos parents, de la nation ! Posez toujours des actes qui profitent à la communauté, à la postérité », leur prodigue-t-il.

Outre les scolaires et les étudiants, le site touristique de Issouka reçoit des visiteurs de différentes catégories sociales.  On dénombre des particuliers, des travailleurs, des artistes, des enseignants chercheurs, etc. Alassane Ouédraogo, un cadre à l’UEMOA, et natif de Koudougou, est sur les lieux pour la première fois. Accompagné de proches, il est séduit par ce qu’il vient de voir au musée Rayimi. « Je suis un natif de la localité mais je viens de découvrir beaucoup de choses sur l’histoire et la culture de chez moi que j’ignorais », témoigne-t-il. Il ne tarit pas d’éloges pour le porteur de cette « belle initiative », Naaba Saaga 1er de Issouka.

En sus de sa vocation touristique et culturelle et son rôle dans la conservation des valeurs traditionnelles, le site participe également à la formation professionnelle de la jeunesse dans le domaine de l’art et du tourisme. Le complexe a déjà reçu neuf étudiants stagiaires de l’université Norbert-Zongo. Titulaire d’une licence en management des entreprises culturelles, Nogma Clémentine Yaméogo est guide-stagiaire au site Maasmè depuis cinq mois.

Intéresser la jeunesse à la culture

L’étudiant en histoire et archéologie, Hamidou Sako :
« L’architecture, les statues sont impressionnantes».

Au quotidien, avec les quatre autres guides, son travail consiste à accueillir les touristes, les accompagner, leur conter l’histoire qui se cache derrière les images et les objets. Pour ceux qui viennent pour une journée de détente, elle se charge de les installer, de leur donner des instruments traditionnels de musique à jouer. « Je félicite sa Majesté Naaba Saaga 1er pour ce projet qui permet d’accueillir des étudiants de la filière tourisme et hôtellerie de l’université de Koudougou pour des stages, surtout que c’est l’unique site touristique de la ville », reconnaît-elle.

Même satisfecit chez le promoteur, 13 ans après la poussée de terre du projet. « Aujourd’hui, je suis un homme très satisfait, surtout quand je vois ces jeunes, qui, tous les week-ends, viennent s’abreuver à la source de la culture et de nos traditions », se réjouit-il. Selon le ministère des Arts et de la Culture, le site de Issouka s’impose de plus en plus dans le paysage touristique burkinabè. Et sa création était plus que nécessaire. « Si le musée Rayimi n’existait pas, il fallait le créer car il répond à une demande sociale », martèle le directeur général de l’Office national du tourisme du Burkina (ONTB), Nelson Congo.

Mieux, selon lui, le complexe touristique de Issouka se distingue dans le secteur, sur le plan organisationnel, managérial et de la promotion. La preuve, poursuit-il, entre ces deux visites ou deux évènements organisés par le musée Rayimi de Koudougou, il y a toujours une différence nette dans le contenu ! Mais avant de parvenir à ce joyau touristique et culturel qui fait la fierté de la ville fondée par Bassanga et financé sur fonds propres, le chemin n’a pas été un long fleuve tranquille. Il y a eu de l’incompréhension, de l’opposition, mais aussi de l’admiration et des encouragements. « Il a fallu savoir marcher sur ce trépied pour pouvoir sortir quelque chose de positif », concède Naaba Saaga 1er. Et la vision et l’ambition d’intéresser la jeunesse à la culture, de
laisser un héritage à la postérité et d’offrir à Koudougou une identité porteuse de cohésion, ont fini par triompher de tous les obstacles.

Mahamadi SEBOGO / SIDWAYA
Windmad76@gmail.com

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