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Coronavirus en Chine: « au Burkina, il faut déjà sensibiliser sur le port des masques et le lavage régulier des mains » selon Dr Silvère Zaongo


Dr Silvère Zaongo est biologiste de recherche et spécialiste en santé publique, option infection et immunité. Depuis plus d’un an, ce spécialiste en santé publique travaille sur des maladies infectieuses telles que le VIH et les hépatites, à l’hôpital chinois de Tianjin. Dans cette interview réalisée par mail, il donne des éclairages sur le coronavirus et les mesures préventives à prendre contre la maladie.

Sidwaya (S.) : Qu’est-ce que le coro-navirus ?

Dr Silvère Zaongo (S. Z.) : Les coronavirus sont des virus à ARN positifs enveloppés appartenant à la famille des « Coronavidae ». Ils sont largement répandus chez les humains et autres mammifères. Bien que la majorité de ces virus soient relativement bénins, deux beta coronavirus sont responsables des maladies respiratoires graves voire fatales. Ce sont le SARS-Cov (coronavirus du syndrome respiratoire sévère) et le MERS-Cov (coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient). A eux seuls, ces deux virus ont causé plus de 10.000 cas de malades durant les vingt dernières années. Le SARS est apparu en 2003 en Chine avant de se propager en Asie. L’infection qui est en cours en Chine est causée par une nouvelle souche du SARS-Cov dénommée 2019-nCoV par les chercheurs. A ce jour, la transmission interhumaine est confirmée et les experts craignent une mutation de la souche qui pourrait mettre à mal les efforts déjà entrepris en termes de vaccins et de traitements.

S. : Comment se manifeste cette maladie ?

S. Z. : Les signes les plus courants sont la fièvre, les frissons, les douleurs musculaires, la toux, les céphalées et la fatigue. Cependant, le mal de gorge, les vertiges, la diarrhée et le mal de poitrine peuvent être notés dans certains cas. La période d’incubation est estimée à 2 à 14 jours.

S. : En cas de détection d’un cas, qu’est-ce que les autorités sanitaires doivent faire pour empêcher sa propagation ?

S. Z. : Le meilleur remède en santé publique c’est la prévention. Et pour cela, il serait judicieux de commencer des campagnes de sensibilisation pour conseiller le port des masques, éviter de se saluer en se serrant les mains, les accolades surtout en cette période de nouvelle année, les regroupements de masse sauf en cas de grande nécessité, mais toujours avec le port des masques. Enfin se laver régulièrement les mains, avant et après avoir retiré les masques une fois en lieu sûr. En cas de détection d’un cas positif, il faudrait d’ores et déjà placer le patient en quarantaine afin d’éviter toute autre contamination et ensuite lui apporter les soins nécessaires. Aussi serait-il approprié de vérifier qu’aucun membre de l’entourage n’ait été contaminé et ceci, en les plaçant en observation. En outre, procéder à la pulvérisation avec des détergents (eaux de javel ou autres détergents à fort potentiel corrosif) des domiciles ou zones où des cas ont été confirmés. Les hôpitaux et centres de santé devraient également se doter de personnel formé et qualifié, afin de parer à cette infection tout en n’oubliant pas de se préserver en portant les combinaisons nécessaires pour éviter tout risque de contamination. Enfin, il faudrait mettre rapidement à la disposition des populations des numéros d’urgences mais aussi et surtout des équipes d’interventions appropriées pour prendre à bras le corps d’éventuelles apparitions de nouveaux cas.

S. : Quelle est la situation au sein de la communauté burkinabè vivant en Chine ?

S. Z. : La communauté burkinabè vivant en Chine est assez organisée et toute information sensible concernant ses ressortissants est relayée au niveau de notre représentation diplomatique à savoir l’ambassade du Burkina Faso en Chine, qui d’ailleurs est soucieuse de l’état de santé de ses ressortissants. Fort heureusement jusqu’à preuve du contraire, aucun cas positif n’a encore été identifié au sein de la communauté. Nous tâchons de respecter au mieux les différentes consignes de sécurité diffusées dans les médias et à travers les établissements d’enseignement. Nous osons donc espérer que la situation restera telle, et qu’aucun Burkinabè, partout ailleurs, ne sera touché de près ou de loin par ce fléau.

S. : Le Burkina Faso ne court-il pas des risques quand on sait qu’une étudiante ivoirienne de retour de Chine, est suspectée d’avoir contracté le coronavirus ?

S. Z. : Le risque couru par le Burkina est effectif, surtout que la Cote d’Ivoire est un pays voisin, ami et frère. Sachant que le virus est à transmission interhumaine via les projections de salive ou à travers l’air ambiant, l’annonce du cas suspect signalé en Côte d’Ivoire devrait déjà nous mettre en alerte, surtout au niveau des frontières. En effet, le personnel devrait, d’ores et déjà, se munir de masques respiratoires (pour se protéger) et de thermomètres (pour identifier le ou les cas suspects). Si possible ces unités aux frontières devraient être renforcées avec la présence de personnel médical qualifié pour la gestion de crise de ce genre.

S. : Quelles précautions le ministère de la Santé doit-il prendre pour éviter toute entrée de la maladie dans le pays ?

S. Z. : Connaissant la possibilité de propagation de la maladie, il serait bon de recommander le respect scrupuleux du port de masque au personnel soignant au niveau des hôpitaux mais aussi au niveau des postes d’immigration, car ce sont les personnes les plus exposées. En empêchant l’entrée du territoire aux cas suspects et en leur apportant un suivi adéquat grâce à des équipes spécialisées, nous contribuerons ainsi à contenir la maladie et sa propagation sur le territoire. S’agissant des populations, l’on devrait déjà les sensibiliser au port des masques et à la nécessité de se laver régulièrement les mains pour éviter d’entrer en contact direct avec le virus. Vu également le bon dynamisme de la coopération sino-burkinabè, il serait judicieux de sensibiliser fortement les Burkinabè (commerçants, étudiants, personnel diplomatique, etc…) vivant ou se rendant en Chine en leur apportant les informations nécessaires en matière de santé et de mesures de prévention à adopter, afin d’éviter toute contamination. Les principales zones à risque sont déjà connues et sont fortement à éviter. Pour finir, il faudrait insister sur l’indentification et le dépistage des personnes ayant récemment séjournées en Chine et particulièrement à Wuhan (épicentre d’où provient l’infection et la zone la plus touchée). En effet, il faudrait avoir un plateau technique de dépistage rapide. Cela permettra de gagner en temps, en termes de prise en charge et d’éviter d’exposer les proches qui, à leur tour, pourraient transmettre l’infection et ainsi de suite.

S.: Quels sont les exemples chinois à dupliquer au Burkina, afin de circonscrire le coronavirus ?

S. Z. : A ce jour, beaucoup de mesures sont prises pour contrôler l’infection en Chine. Les mesures les plus simples mais tout aussi efficaces sont le port des masques et le lavage régulier des mains. En parallèle, des méthodes de communication pour signaler les cas suspects ou pour porter assistance aux personnes qui le désirent peuvent être de bons exemples à répliquer. Pour finir, le diagnostic rapide de la maladie au niveau des hôpitaux spécialisés a été mis en place et toute personne inquiète sur son statut peut s’y rendre et passer les examens médicaux et biologiques. Voici là des mesures que nous pourrions appliquer à l’immédiat.

S. : Qu’en est-il de la riposte mise en place par le gouvernement chinois ?

S. Z. : Dans le domaine de la santé publique, pour ce qui est de la gestion des épidémies, la connaissance du mode de transmission de la maladie est essentielle. Ici, le mode de transmission étant déjà connu (c’est la deuxième fois que l’infection survient en Chine), il ne reste plus alors qu’à donner des conseils, mettre en place des mesures adéquates pour limiter la propagation du virus et recommander les mesures permettant de guérir des malades. De ce fait, il s’agissait d’informer le personnel soignant et le mettre dans les conditions adéquates pour éviter de l’exposer inutilement. Des combinaisons de protection sont déjà disponibles, des masques N95, ainsi que des séminaires réguliers de formation sur les bonnes pratiques à adopter sont dispensés au personnel soignant. Ensuite la mise en place des mesures de contrôle de l’épidémie à travers les médias sont implémentées. En effet, les conseils sur l’utilité du port de masque, les types de masques et leur utilité, le lavage des mains, la nécessité d’éviter les zones à fortes concentrations humaines sont très largement diffusés. Grâce à ces conseils, les autorités arrivent également à rassurer les populations et à éviter la psychose. Par la suite, des mesures plus strictes telles que l’arrêt des services de transports publiques (dans certaines villes), la mise en place des mesures de contrôle de températures dans les universités et immeubles d’habitation, entre autres, permettent de restreindre les mouvements des cas qui n’ont pas encore été détectés. La mise en place d’un ou plusieurs centres d’urgence pour la gestion des cas suspects. Nous apprenons qu’il y a des cas de patients guéris et il est certain que leurs protocoles de traitement deviendront des références. Les analyses sanguines de ces derniers pourraient également révéler la présence d’anticorps utiles à la neutralisation du virus. La chine est un pays hautement qualifié qui a la capacité de produire ses propres médicaments. Je ne doute point qu’elle arrivera à développer un vaccin dans les prochains mois pour venir à bout de cette épidémie.

Propos recueillis par
Karim BADOLO

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