Au Kenya, cette journée de scrutin présidentiel « bis » s’est ouverte dans un climat tendu avec des échauffourées dans des quartiers favorables à l’opposition. Une personne a été tuée à Kisumu, dans l’ouest du pays et deux autres à Mathare, près de Nairobi et à Homa Bay, selon des sources policières et hospitalières. Une vingtaine de personnes ont été blessées dont 10 par balle. Le président de la commission électorale a annoncé le report du scrutin à samedi, dans les comtés de Homa Bay, Kisumu, Migori et Siaya, du fait des violences commises ce jeudi. Le pays est divisé avec d’un côté les partisans du chef de l’Etat sortant Uhuru Kenyatta, qui a remporté l’élection, et de l’autre l’opposition menée par Raila Odinga, qui a choisi de se retirer de la course et a appelé au boycott.
L’élection présidentielle est reportée au samedi 28 octobre dans quatre comtés de l’ouest du Kenya (Homa Bay, Kisumu, Migori et Siaya) touchés ce jeudi par de violents affrontements entre partisans de l’opposition et la police, a annoncé Wafula Chebukati le président de la Commission électorale (IEBC), lors d’une conférence de presse.
Le bilan des violences en marge de la présidentielle de jeudi au Kenya, boycottée par l’opposition, s’élève à trois morts. Au moins une vingtaine de personnes ont été blessées dans ces violences dans l’ouest du pays (à Kisumu et Homa Bay), dont 10 blessées par balle – certaines grièvement – et deux blessées par des balles en caoutchouc et soignées à l’hôpital Jaramogi Oginga Odinga de Kisumu. Un policier a également été grièvement blessé.
Des violences répétées
A Olympic, un grand centre de vote de Kibera, des affrontements ont eu lieu, cet après-midi, à l’extérieur de l’enceinte entre forces de sécurité et manifestants. Gaz lacrymogènes d’un côté, jets de pierre de l’autre. A l’intérieur, des agents de la commission électorale étaient retranchés dans une pièce où plusieurs bureaux ont été rassemblés, centralisés sous haute sécurité. Des pierres jonchent la cour. On entendait dehors les cris des émeutiers, les tirs de gaz lacrymogènes.
Au mois d’août, des centaines de personnes étaient là dès 6 heures du matin pour voter, mais l’ambiance est toute autre aujourd’hui. Ce bureau improvisé a ouvert à 11 heures ce matin avec cinq heures de retard, cinq heures pendant lesquelles la police a dû repousser les protestataires pour pouvoir prendre le contrôle du site et y escorter les agents de l’IEBC.
L’un d’eux avait peur pour sa vie, pour sa famille, peur d’être reconnu par des gens de Kibera. Pour lui, cette situation n’est pas normale. Il n’attend qu’une chose : que son bureau ferme à 5 heures pour qu’il puisse partir. Pour l’instant un seul Kényan est venu voter ici.
A Kibera, tous les bureaux n’ont pas ouvert
L’appel de l’opposition a été au moins en partie suivi et a donné lieu à quelques débordements, principalement dans les deux plus grands bidonvilles de Nairobi, connus pour être des bastions de Raila Odinga.
Ainsi à Kibera, une partie des bureaux n’a toujours pas ouvert. Très tôt ce jeudi matin, des manifestants ont installé des barricades et un jeu du chat et de la souris avait débuté avec les forces de sécurité, les agents, en tirant du gaz lacrymogène ou avec des canons à eau. En face, les protestataires les harcelant à coups de pierre, brûlant des pneus, des branches… Cette scène de violence continue depuis des heures.
Les responsables électoraux et le matériel sont arrivés avec beaucoup de retard sous forte escorte. Plusieurs bureaux ont été rassemblés en un seul lieu sans succès. Les partisans de Raila Odinga semblent vouloir poursuivre pour qu’il n’y ait aucun vote dans une partie de Kibera.
Violence également à Mathare, au bureau Mathare 4, où en août il y a eu de violents affrontements. Ce matin un homme a par exemple été agressé parce qu’il voulait voter. Juste après, des forces de sécurité sont arrivées pour escorter les agents de la Commission électorale et le matériel. Ils ont appelé un taxi pour emmener l’homme blessé. Un membre de l’IEBC a dit craindre une attaque du site. Lui-même s’est présenté comme un opposant, mais il a choisi de venir travailler parce qu’il avait besoin d’argent.
Participation moindre qu’à la présidentielle d’août
La participation est globalement inférieure et pour plusieurs raisons. Probablement l’appel au boycott de l’opposition, bien sûr, mais aussi la fatigue des Kényans qui voient cette séquence électorale s’éterniser. Et puis peut-être le manque d’intérêt depuis que Raila Odinga s’est retiré de la course.
Dans beaucoup de quartiers, les files d’attente du mois d’août ont complètement disparu. A Kilimani, un électeur a dit qu’il avait pu voter en cinq minutes seulement et qu’il voulait exercer son droit, qu’il était temps de passer à autre chose, car l’économie était ralentie à cause des tensions électorales.
Réquisitions pour assurer la bonne marche des bureaux
Le fonctionnement de certains bureaux a ainsi été impacté, puisque des agents électoraux et des observateurs des partis politiques ne sont parfois pas venus. Dans ce cas-là, les représentants de la Commission électorale ont été obligés de réquisitionner des citoyens pour faire le travail, c’est autorisé par la loi. Ces votants espèrent en tout cas que l’élection ne sera pas annulée une seconde fois.
Plus tôt dans la journée, le président sortant, Uhuru Kenyatta, a déclaré que ceux qui boycottaient avaient le droit, mais qu’ils ne pouvaient pas empêcher les autres de voter. « Le Kenya prouve qu’il est une démocratie en train de devenir mature. Il a prouvé qu’il pouvait organiser une présidentielle, une annulation, l’accepter, donner aux gens la possibilité de retourner aux urnes, et décider une fois de plus qui ils veulent comme leader. Nos institutions sont plus mûres, et je crois que c’est ce chemin que tous les pays africains devraient rechercher. »
