A l’annonce du décès du Pape François le lundi de Pâques, 21 avril 2025, à l’âge de 88 ans dans sa résidence du Vatican, la Casa Santa Marta, nous nous sommes entretenu avec Mr Anselme Titianma Sanon, archevêque Emérite de Bobo-Dioulasso. C’était le mercredi 23 avril 2025 dans sa résidence.
Comment avez-vous accueilli la nouvelle du décès du Pape François ?
Quand on est croyant, il y a des symboles dans la vie, des signes qui ne trompent pas. Quelques-uns de mes amis musulmans me l’ont dit : « c’est le jour où vous prêchez la résurrection, la vie éternelle que le Pape est parti ». Mourir le jour de Pâques ou le lundi de Pâques, pour les premières communautés chrétiennes, c’était comme un témoignage. Sa mort même témoigne de ce qu’il a annoncé, de ce qu’il a prêché. Depuis le mois de février, je n’étais plus rassuré, quelque chose m’a dit, tu vois le Pape Paul 6 dont celui-ci avait un peu le profil est décédé le 06 août, le jour de la transfiguration, comme s’il s’élevait tout simplement dans la lumière de Dieu. Son dernier souffle, il l’a donné et après il s’est envolé vers le ciel. Ce qu’il prêchait, ce qu’il annonçait par son ministère, il en est le premier témoin, le premier bénéficiaire. En un certain sens, pour moi, c’était une belle finale. Il est parti comme les disciples après la résurrection de Jésus. Bien sûr chacun de nous a ses faiblesses, vu ce qu’il a souffert pendant ces dix ans, ce qu’il a souffert ces deux derniers mois, je pense que Dieu lui fait miséricorde. Le 05 avril, c’était mes 50 ans comme évêque ordonné et j’ai reçu un peu avant cela un message personnel du Pape. Je dis merci à notre Pape François qui a signé de ses mains, un message personnel qui m’était adressé.
Quel est votre avis par rapport à sa succession ?
Je voudrais pour commencer situer le profil du Pape François. Le Pape François n’est pas un Occidental, ce n’est pas un Européen. C’est un Sud-américain de l’Argentine. A l’époque où il est évêque chez lui, on dit que c’est la théologie de la libération, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Et lui comme archevêque de son pays l’Argentine, c’est ce qu’il porte, la libération des peuples, des droits des populations et cela va se retrouver dans son ministère à Rome, plaider la cause des pauvres, des déportés, des minorités. Sa mort est une finale de triomphe. C’est un combattant, mais à ce niveau-là, on ne peut pas plaire à tout monde même parfois à ses propres collaborateurs.
Doit-on s’attendre à un Pape de couleur noire ?
Effectivement, quand le Pape jean Paul 2 a été élu, certaines personnalités dans l’Eglise disaient que c’était le Pape Polonais. Effectivement quand on voit les premiers Apôtres entre Pierre et Paul, Pierre qui a grandi dans sa Galilée comme pêcheur et Paul qui était à l’extérieur des pays juifs, mais qui s’avère que dans la formation juive, les tempéraments ne sont pas les mêmes. Surtout marqué par l’Esprit Grec, c’est la même chose. Ainsi le Pape est venu avec sa manière de faire. Après la cérémonie d’inhumation prévue ce samedi 26 avril, les cardinaux qui n’ont pas dépassé l’âge vont se retrouver pendant un certain temps en conclave. Tant qu’ils n’ont pas élu le nouveau Pape, ils ne peuvent pas sortir. Le Pape sera choisi non pas en fonction de la couleur de la peau, mais selon ce que le Saint-Esprit leur inspirera profondément. C’est vrai qu’on n’a jamais eu de Pape de couleur noire, mais c’est le Saint-Esprit qui réside dans cette Assemblée. Lui, il ne regarde pas la couleur, il regarde ce qu’on fait de ses Dons. S’il y a un Pape africain aujourd’hui, est-ce que les mentalités sont prêtes à l’accueillir ? Non seulement les mentalités en dehors du continent ne sont pas les mêmes, mais est-ce que nous les Africains nous sommes prêts à l’accueillir ? Il y a un poste a un moment donné que j’occupais à Rome, ils te font comprendre que tu viens de l’Afrique de l’Ouest, surtout avec mes balafres, il y a eu des évêques africains qui me prenaient avec réticence. Est-ce que s’il y a un Pape noir aujourd’hui, le continent noir qui revendique un Pape noir, est-ce qu’on ne va pas dire qu’il est de quelle religion, il est ceci ou cela ? Mais le problème de foi, dépasse cela. Le Pape François était un Sud-Américain, et le choix n’est pas de ce fait porté sur le continent. Si l’inspiration du Saint-Esprit est africaine alors on est dans la modernité et surtout la catholicité. Quand on dit je crois en Eglise, une, sainte, catholique et apostolique, cela couronne toute les races, toute l’humanité. Personne n’est de trop dedans, et personne ne prend la place de l’autre. Encore une fois, que le Saint-Esprit, l’Esprit d’intelligence, de conseil et de force anime les cardinaux qui sont présents pour qu’ils fassent le choix de Dieu.
Qu’est-ce que les fidèles catholiques du monde doivent retenir de lui ?
A entendre les autres parler depuis sa mort, qui disent qu’il était simple, effectivement il l’était. Cela ne veut pas dire que les autres Papes n’étaient pas simples, mais il était tout simple. Par son accueil et sa manière d’aborder certaines questions, laisse voir que les mots simples faisaient partie de son dictionnaire. A ce niveau il a supprimé presque toutes les formes diplomatiques, par sa sainteté. Si entre nous les baptisés, il y avait cette sincérité et cette simplicité, on y gagnerait en éducation des enfants. Il a pris position sur certaines questions, par exemple la dette du tiers-monde. Il a aussi pris part à certaines cérémonies de réparation et de réhabilitation dans plusieurs pays. En tout, il a été présent à nos problèmes d’ancienne colonisation. Le plus important pour moi, c’est qu’il a ramené la fraternité de proximité au peuple de Dieu. L’Eglise n’est pas à Rome même si c’est son sens, mais elle est ici chez nous, il faut la vivre, la construire.
Quel est votre mot final ?
Je remercie beaucoup les organes de presse notamment, L’Express du Faso d’avoir donné l’échos de ce grand évènement, et qui anime de temps en temps l’histoire de l’église et du monde, qui est la mort d’un Pape. Mon souhait est que les Eglises marchent selon la vision du Pape François, dans la simplicité et dans la fraternité.
Estelle Wende Mi KOUTOU
Assita NAKANABO/Stagiaire
L’Express du Faso