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RDC : il faut sauver le soldat Félix


RDC : Il faut sauver le soldat Félix
Soyons clairs: il pèse et pèsera toujours sur l’élection de Félix Tshisekedi à la présidence de la RD Congo un soupçon d’iniquité d’autant plus durable que les résultats détaillés du scrutin « historique » du 30 décembre 2018 ne seront sans doute jamais rendus publics. Soyons réalistes : le nouveau chef de l’État n’est ni le seul ni le premier dans ce cas, et il faudra bien faire avec. Ces deux assertions traduisent à la fois la position de la communauté africaine et occidentale vis-à-vis de la drôle d’alternance de Kinshasa, mais aussi l’apparente résignation de la majorité des électeurs de Martin Fayulu, manifestement peu enclins ­ et on les comprend ­ à risquer leur vie dans la rue pour rétablir dans ses droits un candidat qu’ils connaissaient à peine il y a deux mois et pour lequel ils ont voté avant tout par rejet du système Kabila. Faute de pouvoir mobiliser la masse critique nécessaire (à ce titre, la RD Congo n’est pas le Venezuela), l’autoproclamation de Fayulu comme « seul président légitime » risque donc fort de connaître le même sort que celles de Jean Ping au Gabon, de Soumaïla Cissé au Mali ou… d’Étienne Tshisekedi après la réélection de Joseph Kabila, en 2011: un baroud d’honneur sans effet ni lendemain.
Si l’ovni Fayulu, dont on ignore s’il parviendra à s’affranchir de la tutelle de ses parrains Moïse Katumbi et JeanPierre Bemba pour s’imposer comme leader de l’opposition ­ et même s’il souhaite jouer ce rôle ­, semble avoir été lâché aussi vite qu’il avait été porté aux nues, c’est pour deux raisons essentielles. La première est qu’il est très vite apparu comme le favori des milieux d’affaires (et des médias) occidentaux, de l’Union européenne et des États-Unis, horripilés par le nationalisme économique de Kabila, sa gestion patrimoniale des immenses richesses de la RD Congo et plus encore par ses connexions chinoises. Or ce type de soutien, qui n’a qu’un lointain rapport avec la défense des idéaux démocratiques, est comme on le sait éphémère et réversible : il suffit que le cheval sur lequel on a misé perde pour qu’on le renvoie à l’écurie ­ et peu importe si le vainqueur a été dopé.
À condition de savoir défendre son territoire de souveraineté, « Fatshi » a une belle carte de rassembleur à jouer. Donnons-lui au moins ce crédit, jugeons-le sur ses actes et ne le laissons pas seul sur le front de la cohabitation avec Kabila.
Idem pour la dizaine de chefs d’État africains qui ont cru, l’espace d’un mini-sommet de crise, pouvoir peser sur le cours des événements en faveur du candidat Fayulu. Leur subite, ardente ­ et pour certains d’entre eux, surprenante ­ exigence de transparence électorale cachait mal des motivations et des agendas personnels, ainsi que la ténuité du lien qui les unissait: leur commune aversion pour Joseph Kabila, ce « gamin » à leurs yeux insaisissable, irrespectueux des aînés et sourd aux conseils de ses pairs qu’il ne cesse de narguer du haut de son pays continent. Là encore, il aura suffi que la Cour constitutionnelle congolaise passe outre ses injonctions pour que ce front du refus, miné par ses contradictions internes, se délite en quelques heures.
Pasteurs
La seconde explication à l’isolement dans lequel se retrouve Martin Fayulu est d’ordre interne. Certes, outre le support des deux poids lourds qui l’avaient adoubé à Genève en novembre dernier et la prime électorale accordée au plus radical des anti-Kabila, cet honnête homme a bénéficié de l’appui d’une puissance locale: l’Église catholique. Mais il faut être naïf pour croire que cette institution est sui generis, en RD Congo comme en bien d’autres lieux, au-dessus de la mêlée et au milieu du village. Si l’épiscopat a combattu Mobutu et Kabila, soutenu Bemba en 2006, puis Fayulu douze ans plus tard, c’est aussi en fonction de ses intérêts d’entrepreneur spirituel face à la « zaïrianisation » des esprits hier, face à l’offensive des concurrents évangéliques aujourd’hui. Qu’elle le veuille ou non, l’Église devra composer avec un président désormais investi, dont les réseaux sociaux ont récemment diffusé la photo agenouillé et entouré de pasteurs du Réveil. Surtout, et quelle que soit la validité comptable de l’élection de Félix Tshisekedi, il y a une sorte de légitimité à ce que l’alternance bénéficie au candidat d’un parti (l’UDPS) qui est le seul à incarner l’opposition à trois régimes successifs depuis trentecinq ans. Même pour les Congolais les plus sceptiques à l’égard de la marge de manoeuvre dont il bénéficiera par rapport à son prédécesseur, Tshisekedi vaut donc bien mieux que l’éphémère dauphin Shadary, et il sera très difficile de mobiliser contre lui tant qu’il n’aura pas déçu.
Rebelle
Comme tous les « fils de… » et tous les successeurs désignés, systématiquement comparés à leurs pères et pygmalions, et tout aussi systématiquement sous-estimés à leurs débuts, Félix va devoir faire ses preuves et tenter de purger le péché originel d’une élection problématique. La tonalité à la fois consensuelle et critique de son discours d’investiture, au cours duquel il a dressé un état des lieux sans concession de son pays, l’hommage parallèle rendu à Kabila et à Fayulu, les liens amicaux préservés avec Katumbi sont autant d’indices qui signalent qu’à condition de savoir défendre son territoire de souveraineté, « Fatshi » a une belle carte de rassembleur à jouer. Certes, il a 55 ans : ce n’est plus l’âge où l’on change, mais encore celui où l’on peut surprendre. Accordons-lui au moins ce crédit, jugeons-le sur ses actes et ne laissons pas le soldat Félix seul sur le front. Après tout, Joseph Kabila, qui confiait, il y a peu à JA, à quel point sa barbe de rebelle lui était devenue consubstantielle, a décidé de la raser dans la nuit du 23 au 24 janvier 2019, alors qu’il s’apprêtait à rendre le pouvoir. Seuls les aveugles n’y ont vu aucun signe. Source LeBanco.net
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