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Procès du putsch : «le coup d’Etat était une affaire politique»


Le tribunal militaire a entendu le lieutenant Kolamba Jacques Limon pour le 3e jour d’audience de suite, dans la matinée du mardi 11 septembre 2018, dans le cadre du procès du putsch manqué. Après le lieutenant Limon, c’était le tour du lieutenant Aliou Ghislain Honoré Gorgo, poursuivi lui aussi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, de meurtre et de coups et blessures.
Trois jours d’audience de suite, le lieutenant Kolamba Jacques Limon, inculpé dans le dossier du coup d’Etat, a crié au complot contre sa personne devant le tribunal militaire. Le mardi 11 septembre 2018, son avocat, Me Mamadou Sombié, s’est même proposé de préparer le dispositif de la future décision du tribunal en ces termes : «considérant que l’expertise sur laquelle on se base pour poursuivre le lieutenant Limon est entachée d’irrégularités … que par ces motifs, il n’y a pas lieu de le poursuivre …». Pendant tous les trois jours qu’il a passés à la barre, l’accusé et son conseil se sont arc-boutés sur la thèse de l’acharnement. Le lieutenant Limon a mis le doigt sur un marché public à problème, impliquant la justice militaire, ce qui lui vaut d’être impliqué dans le dossier du putsch. «Il a pu y avoir fraude dans le fonctionnement de l’expertise, car il y a un intérêt privé indu. Alors dans ce cas, peut-on accorder du crédit aux conclusions de cette expertise ?», s’est interrogé Me Dieudonné Bonkoungou, avocat de la défense. Et Me Sombié de s’écrier : « Acquittez mon client pour fraude à l’expertise ». Le parquet militaire est aussi demeuré constant dans sa conviction que l’accusé est bel et bien impliqué dans le putsch. Il s’est, par ailleurs, prêté à justifier les millions de F CFA impliqués dans le marché d’expertise que dénonce le lieutenant Limon. «Je ne suis pas l’organe chargé de la justification des fonds mais vous pouvez aller voir à la MACA, il y a de nouvelles réalisations …», a déclaré le procureur militaire, commandant Alioun Zanré. Le débat entre les deux camps est resté lié aux suppositions d’irrégularités invoquées par l’accusé dans sa ligne de défense.
Un autre lieutenant, bien plus jeune, a été appelé à la barre à la suite de M. Limon. Aliou Ghislain Honoré Gorgo, 31 ans, célibataire et père d’un enfant, estime pour sa part que le coup d’Etat de septembre 2015 a été perpétré par un «groupuscule de soldats réfractaires et fidèles au Général ». Parmi ce « groupuscule», il cite notamment les noms de Roger Koussoubé, Mohamed Zerbo, Ollo Stanislas Pooda. Poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, de meurtre et de coups et blessures, le lieutenant Gorgo estime n’avoir commis aucun acte répréhensible.
Il n’aurait pas quitté le camp Naba Koom II du 16 au 26 septembre. Lorsque le parquet l’interroge à propos des ordres qu’il a répercutés après avoir appris le 17 septembre qu’il y avait coup d’Etat, l’accusé soutient être resté dans le cadre des ordres donnés par sa hiérarchie. « J’ai reçu les ordres de mon chef de corps qui m’a dit que le coup d’Etat était une affaire politique et de laisser le Général gérer ça avec les politiques », a-t-il affirmé. Au demeurant, l’accusé reconnaît avoir, avec des camarades jeunes officiers, interpellé leur hiérarchie sur l’inopportunité du putsch. «J’étais sceptique sur l’aboutissement d’un tel projet. Mais dans le domaine militaire, il faut se méfier de donner publiquement son opinion personnelle», a-t-il ajouté.
Me Farama, admiratif du lieutenant Gorgo
Dans l’après-midi, c’est la partie civile a interrogé le lieutenant Gorgo et fait ses observations. Me Prosper Farama a eu de l’admiration pour l’accusé. «J’ai été très rafraîchi par sa simplicité, son humilité et sa constance dans ses déclarations», a soutenu l’avocat qui, se faisait l’écho d’un de ses clients, a déclaré que si dans l’armée le compte-rendu libère le subordonné, devant la justice, la vérité libère l’accusé. Il ressort également du jeu de questions-réponses entre Me Farama et le prévenu, qu’il y avait au sein de l’ex-RSP des «éléments  incontrôlés» et que par ailleurs, l’information circulait d’abord entre les chefs et était ensuite répercutée jusqu’au dernier soldat. Sur ce point,  Me Farama dit laisser le soin au tribunal d’apprécier le fait que certains accusés affirment n’avoir pas eu connaissance de la dissolution du Corps, des nouvelles affections subséquentes et du désarmement.
Quant à Me Pierre Yanogo, toujours de la partie civile, «peiné» pour le lieutenant qui a séjourné dix mois à la MACA, il a eu confirmation avec Gorgo, que le putsch a été perpétré par des éléments et non tout l’ex-RSP. Le conseil de l’accusé, Me Orokia Ouattara, s’attendait à ce que la partie civile dise que les infractions mises à la charge de son client ne sont pas constituées. Mais enfin, a-t-elle reconnu, ce n’était pas son rôle. Pour l’avocate, si aux premières heures du coup d’Etat, l’Etat-major général des armées avait donné des ordres clairs, on ne serait pas là à demander aux uns et aux autres s’ils soutenaient le coup. Pour sa part, Me Arnaud Sampébré de la défense a cuisiné l’accusé sur la présence du caporal Sami Da à la réunion entre le général Diendéré et les officiers de l’ex-RSP. «Ce n’est pas normal qu’un caporal soit à cette réunion», a fait savoir le lieutenant en précisant que l’intéressé portait un casque, un gilet pare-balles et une kalachnikov.
De son côté, Me Dieudonné Bonkoungou, a voulu savoir si la haute hiérarchie militaire pouvait analyser la situation et donner des instructions pour étouffer le coup de force. Mais, prudent, l’accusé a répondu qu’il ne peut pas penser à la place de ses supérieurs. Quant à Me Badini, aussi de la défense, il s’est insurgé contre le fait que Gorgo a qualifié certains accusés d’incontrôlés alors qu’ils ne sont pas sous ses ordres. L’audience reprend ce matin avec les observations de Me Orokia Ouattara, conseil du lieutenant Gorgo.Sidwaya
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