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Burkina Faso: le système éducatif connait de graves problèmes


« C’est fort de ce constat amer que [nous recommandons] l’adoption d’une charte nationale sur l’éducation en vue d’en faire, au-delà des professions de foi, une priorité nationale. L’insertion réussie du Burkina Faso dans le concert des nations et l’épanouissement harmonieux de ses citoyens passent par un système éducatif intégré, adapté et performant qui a son prix. Les considérations rétrogrades, qui mettent en avant le caractère budgétivore de l’éducation, ne sauraient désormais prospérer, car comme le rappelle bien Joseph Ki-Zerbo, une société qui refuse de donner à sa jeunesse les moyens de promotion optimale est une société suicidaire ».

Qui parle comme cela ? Est-ce Bassolma Bazié de la CGTB ou un autre responsable syndical « maximaliste » ? Que non ! Ce n’est ni l’un, ni l’autre. Ce sont tout simplement les honorables députés de notre auguste Assemblée nationale. Ces trois lignes, que vous venez de lire, sont les trois dernières de la conclusion de l’enquête parlementaire que la représentation nationale a diligentée sur notre système d’enseignement. Le rapport, rendu public courant juillet 2017, semble oublié. Il est sévère, sans appel, interpelle le gouvernement et devrait normalement l’empêcher de dormir. L’Assemblée a été bien inspirée de commanditer cette enquête.
D’après ce rapport, notre système éducatif connait de graves problèmes de dysfonctionnement à tous les niveaux et dans tous les compartiments. Cette situation oblitère gravement son fonctionnement et, du même coup, son rendement qui est sa raison d’être. Tenez, sur le seul plan des infrastructures et des équipements techniques, par exemple, sans entrer dans les détails, car il faudrait tout un livre pour faire l’inventaire des problèmes graves tels que le rapport les égrène. Le primaire comptait encore 5 331 classes sous paillotes à la rentrée scolaire 2015-2016, en augmentation de 445 classes par rapport à 2014-2015. La plupart des écoles, qui datent des débuts de l’indépendance à la révolution, n’ont connu aucune réfection. On déplore aussi la dégradation de nouvelles infrastructures, peu après leur réception provisoire ou définitive. De plus, en dépit du transfert des compétences aux collectivités, l’Etat central continue de réaliser des infrastructures scolaires dans les communes, parfois à l’insu des maires et sans suivi de proximité, d’où la mauvaise qualité de nombre d’ouvrages et l’existence de nombreux chantiers en souffrance. Au post primaire et secondaire, beaucoup d’établissements construits avant les indépendances ou juste après (lycée Nelson Mandela 1953, lycée Bogodogo 1963, Diaba Lompo 1961 …) n’ont pas fait l’objet de réhabilitation régulière, alors qu’ils sont dans un état d’extrême vétusté. Seul le Lycée Zinda, construit en 1953 est l’exception qui confirme la règle.

Nos lycées techniques utilisent des machines vieilles de plus de 50 ans

Le lycée provincial de Réo, par exemple, note le rapport, est dans un état de délabrement avancé : six salles de classes, fortement dégradées, sont fermées ; le laboratoire, mal construit, est complètement tombé en ruines sans avoir jamais été utilisé. A l’université, constate le rapport, le déficit des infrastructures est alarmant : présence de 2000 étudiants dans un amphi conçu pour 700 places. A l’unanimité les premiers responsables admettent que le retard cumulé des activités pédagogiques est lié, en grande partie, à l’insuffisance de salles de cours théorique, de TD et de TP. Et de fait, comment peut-on faire passer 40 groupes de 30 étudiants dans une seule salle de TP en une semaine ?
Sur le plan des équipements techniques, au lycée professionnel Bruno Buchweiser, le matériel de formation n’est pas conforme à l’évolution technologique : l’atelier de machines-outils, le laboratoire mesures et essais des machines, la salle des installations électriques datent de 1970, année d’ouverture de l’établissement. Au lycée technique national Sangoulé Lamizana, l’atelier de mécanique utilise des machines âgées de plus de 50 ans. Sur le plan du personnel, quel gâchis : le lycée Zinda compte 215 enseignants alors que 110 suffiraient, pendant que dans les communes voisines du Kadiogho ; Tanghin Dassouri, komki-Ipala … on signale des manques d’enseignants. Ces quelques éléments que nous donnons ne sont qu’un infime aperçu du rapport. 
Il faut croire que le gouvernement n’a pas lu le rapport de l’Assemblée ou feint de ne pas connaitre son contenu. Pourtant, sa bonne lecture nous aurait peut-être évité, entre autres, les dégâts collatéraux de la perduration de la grève des enseignants que sont les derniers troubles survenus le 16 janvier à Koudougou et à Boussé. Un millier d’élèves qui prennent d’assaut le gouvernorat de Koudougou, mettant le drapeau en berne (d’aucuns disent même qu’ils l’ont piétiné !), humiliant le gouverneur, qui ne dut son salut qu’avec l’arrivée des CRS. Mais quel type de citoyen prépare notre école ? A Boussé, la route a été bloquée par les élèves, empêchant un convoi militaire (et, semble-t-il, une ambulance aussi) de se rendre en mission au Lorum. Ceux-ci durent faire feu.

Notre système éducatif est très mal piloté

Pourtant, les députés, dans leur rapport, avaient sonné l’alerte (il y a sept mois de cela) sur la situation explosive de l’enseignement post-primaire et secondaire, en particulier, devenu une poudrière, en raison d’un mauvais pilotage. Le ministère de tutelle a poussé les enseignants de ce secteur à bout, et les députés s’en expliquent. L’enseignement post-primaire et secondaire, qui a connu un grand boom, est pratiquement laissé à l’abandon, ne bénéficiant que seulement 9% du budget alloué à l’éducation (contre 61% au primaire et 18% au supérieur) : les chefs d’établissements devant surtout faire face à de multiples crises répétitives dues au paiement tardif des frais de vacations et des heures supplémentaires. La subvention arrive généralement, précisent-ils, avec une année de retard. Le même retard est accusé au niveau de la subvention accordée aux établissements privés conventionnés, qui se retrouvent, de ce fait, financièrement asphyxiés vers la fin de l’année. Les professeurs revendiquent une prise en charge des examens blancs, parfois au tarif du BEPC ou du bac, et une augmentation de l’indemnité du professeur principal. Certes, selon le rapport, ces revendications ne se fondent sur aucun texte mais on assiste, çà et là, à des arrêts de cours, au blocage des fins de trimestre et aux manifestations des élèves. En dépit de ces conditions de travail déjà inacceptables, les députés rapporteurs, acceptent mal que le ministère en vienne encore à astreindre les établissements post primaires et secondaires à reverser 25% de leurs frais de scolarité à la direction régionale, au FONER et au ministère (arrêté ministériel n °2012-111/MESS/SG/DAF du 24 avril 2012). Un arrêté !
Ces derniers temps, s’inquiète le rapport, « il est regrettable de noter que les violences ont trouvé un terrain d’élection dans le milieu scolaire. Ces violences, allant jusqu’aux agressions des enseignants et des parents comme ce fut le cas à Nagaré à l’Est, à Gounghin dans le Kouritenga, à Niangoloko dans la Comoé, sont consécutives à l’incivisme grandissant des élèves mais aussi au mauvais management des établissements. Confrontés d’un côté à la fronde des professeurs qui n’hésitent pas à les violenter et, de l’autre, à la furie des élèves, de nombreux chefs d’établissements demandent à être déchargés de leurs fonctions ».

Un rapport à la mesure du désarroi du personnel éducatif

L’amertume des députés est à la mesure des réalités qu’ils ont touchées du doigt sur le terrain, et leur conclusion est une invite à conjurer le suicide collectif que nous prépare le système éducatif en œuvre. Quand les honorables députés deviennent subitement des révolutionnaires, qui ne mâchent plus leur mot, après immersion dans le système éducatif, le temps d’une enquête de terrain, on comprend aisément le désarroi des enseignants et du personnel éducatif qui vivent chaque jour (en fait, toute une vie) dans le système éducatif décrié par le rapport. Pourtant, Les revendications des syndicats, nous dit le gouvernement, sont maximalistes et, suivant cette pente naturelle, ne les a pas écouté au départ. Heureusement qu’il a dû revenir à de meilleurs sentiments ! Il avait fait plutôt des petits calculs : ce sont, dit-il, nos ennemis qui veulent nous déstabiliser pour prendre notre place ; combat d’arrière-garde, fort éloigné franchement de la bonne gouvernance, alors qu’il a été appelé pour faire des grands calculs, pour lesquels il s’est d’ailleurs présenté au pays comme le grand champion. Mais c’est justement sur le plan des grands calculs que le bât blesse. Quiconque lit le rapport des députés sait que ceux-ci réclament encore plus que les syndicats. En effet, ces derniers ne revendiquent qu’une plateforme de 23 points, alors que la commission d’enquête parlementaire concentre 77 points, qui sont autant d’injonctions, à l’endroit du gouvernement. Les 77 recommandations pointent toutes du doigt le pilotage du système éducatif. Du reste, édifiés par ce qu’ils ont vu, les députés recommandent de créer un haut conseil de l’éducation, chargé dorénavant du pilotage d’ensemble du système éducatif, rattaché directement à la présidence du Faso et présidé par le Président du Faso (recommandation n°19). Sur le plan financier, point d’achoppement des revendications syndicales avec le gouvernement, on doit savoir que la plateforme syndicale n’exige qu’une allocation annuelle d’au moins 30% du budget national à l’éducation quand les députés, eux, demandent qu’on y consacre plutôt au moins 35%. Alors, qui fait de la surenchère ? Le gouvernement a-t-il lu ce rapport ou le destine-t-il, comme d’habitude, au tiroir ? La commission de suivi de la mise en œuvre des recommandations de ce rapport au sein même de l’Assemblée doit rester en veille perpétuelle. l’événement

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One thought on “Burkina Faso: le système éducatif connait de graves problèmes

  1. Pierre Ouedraogo

    C’est vraiment une triste réalité que l’on observe dans le système éducatif au Burkina Faso mais quels peuvent être les solutions si c’est seul ceux qui savent du système éducatif qui en profitent et se taisent

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