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BOA BURKINA : les 600 millions FCFA à problème


Que se passe-t-il à la Banque Of Africa Burkina (BOA) ? En peu de mots, la maison traverse une zone de turbulences. En 2017, la banque a fait de bonnes affaires. Ceci est à mettre à l’actif d’un personnel dévoué et apte à faire des résultats. C’était à la satisfaction de tout un groupe et d’un personnel gonflé à bloc. Au résultat, la banque a fait d’énormes bénéfices dans ses chiffres. Et comme il est de coutume, ces bénéfices sont répartis entre les agents afin de les encourager à faire encore mieux. Et c’est là que les choses ont commencé à mal tourner. La répartition des bénéfices va diviser non seulement le personnel, mais aussi celui-ci et la Direction générale. Des agents se sont retrouvés avec de maigres sommes comme bonus. Scandale à la maison ! La clé de répartition n’est pas du goût de tous les agents et tout est allé en vrille en très peu de temps : intimidations, harcèlements, suspensions, licenciements, affectations injustifiées, etc. Tout semble avoir été fait pour faire taire le personnel. Mais hélas ! Plus de 600 millions FCFA de bonus répartis de façon inéquitable provoque la colère de plus de 500 personnes. Comment tout cela s’est passé ?

«Suite à un partage injuste du bonus de 2017 que le personnel a dénoncé et que le Directeur général adjoint en charge du support aurait lui-même reconnu comme étant une injustice faite au personnel au cours d’une Assemblée générale convoquée par la Direction le 09/08/2018, le personnel de BANK OF AFRICA/BURKINA FASO fait face à un climat social interne très critique». Tel est l’extrait de la déclaration du Bureau local confédéral (BLC) de la Confédération générale du travail du Burkina (CGT-B). Cette déclaration qui appelait les responsables de la banque à cesser les intimidations à l’endroit des travailleurs et au respect de la loi en matière de travail n’aura eu aucun effet. Et la déclaration de la CGT-B se poursuit et donne des précisions sur les conditions dans lesquelles les travailleurs baignent : «harcèlement moral et psychologique des travailleurs dans leur lieu de travail et pendant les heures de service, suspensions puis des licenciements de travailleurs soupçonnés d’être à l’origine d’une fuite d’informations sur les modalités de partage contestées des bonus, affectations des  agents contre leur volonté à cause de leurs opinions syndicales et en violation de la règlementation relative aux travailleurs protégés, une traque des agents par la Police nationale, à travers le commissariat de Boulmiougou, le refus de tenue des assemblées générales sous l’égide des représentants du personnel à l’intérieur de la banque». Une longue liste qui retrace ce que le bureau syndical qualifie de violation du Code de travail.

Depuis quelques temps en effet, le climat au sein de la BOA est devenu insoutenable. En conséquence, les travailleurs vivent dans une hantise totale. Ils ne savent pas pourquoi une telle colère des premiers responsables de la banque contre eux pour avoir réclamé un partage équitable. Les responsables de la banque à qui nous avons envoyé une demande d’entretien pour prendre la version de la situation restent toujours muets. Mais comment en est-on arrivé à une telle situation ?

Tout est parti  de la fameuse clé de répartition des bonus au personnel. Selon certaines pratiques connues dans cette banque, il y a un bonus qui est partagé à tout le personnel chaque année sur la base du bénéfice réalisé l’année précédente. Jusqu’à cette année 2018,  tout se déroulait bien à propos de ce bonus sans que personne ne trouve à redire. Selon les explications des agents, de par le passé, la répartition était faite suivant la masse salariale. Ainsi, si l’enveloppe du bonus représente X fois la masse salariale mensuelle, chaque employé de la banque avait droit à X fois son salaire. Voici comment les bonus étaient partagés sans problèmes. Pour cette année 2018 où les employés devaient avoir le bonus de l’année 2017, au moment où tout le monde s’attendait à tirer un gain équitable, c’est là que tout va se chambouler. Beaucoup affirment n’avoir pas compris comment les premiers responsables de la banque ont procédé pour la répartition de cette manne. Que ne fut pas la surprise des agents d’apprendre de la part des premiers responsables au cours d’une Assemblée générale, que le bonus de l’année 2017 connaitra une répartition différente de celles des années antérieures avec d’autres clés de répartition. Ce sera le premier choc. Mais les employés ne sont pas encore au bout de leurs surprises. Certaines sources nous confient que même des responsables ont affirmé ne rien comprendre de la nouvelle clé de répartition. Mais n’ont rien fait.

Pour l’année 2018, l’enveloppe du bonus est de  660.000.000 FCFA. Au lieu de procéder comme il est de coutume, les responsables, comme annoncé lors de l’Assemblée générale, vont utiliser une méthode qui va prendre tout le monde de court. Selon les   explications, les 660.000.000 FCFA ont été divisés en deux parts. Une part contenant 240.000.000 FCFA pour un premier groupe d’agents dit les «non encadrants» et l’autre part contenant 420.000.000 FCFA qui revient au second groupe dit les «encadrants». Mais qui sont les «encadrants» ? C’est cette catégorie de travailleurs de la banque qui ont des employés sous leur coupe. Et le groupe de «non encadrants» est la catégorie d’employés qui n’a pas d’agents sous sa coupe. Et mieux, bien que s’étant partagé la cagnotte des 420 millions FCFA, le groupe des «encadrants» a également bénéficié de l’enveloppe dite du personnel «non encadrant» !

Malgré que les employés n’aient rien compris dans la répartition, elle a fini par se faire. Chacun découvre son gain et les réactions sont bien évidemment différentes. Si les uns se réjouissent de leur gain, d’autres s’en plaignent. Un agent qui a requis l’anonymat témoigne que «dans certains services, des patrons se plaignaient en même temps que leurs agents pour avoir reçu des miettes et pourtant ils avaient reçu des millions et ne voulaient pas le faire savoir aux subalternes».

L’ambiance devient insupportable. Des groupes WhatsApp seront créés afin de se galvaniser pour protester mais rien. Les délégués du personnel montent à leur tour au créneau et dénoncent une injustice dans la répartition du bonus mais rien. C’est dans ce climat que le fichier de répartition indiquant le bonus de chaque employé de la banque est tombé entre les mains de beaucoup d’agents. Très vite, tout le personnel est informé du montant que chaque employé a perçu. La même source nous confie qu’un agent ayant découvert que son supérieur qui se plaignait avait pourtant encaissé des millions et se moquait de lui en réalité ne s’est pas privé de lui serrer les cols. L’ambiance devient délétère dans la banque. La Direction générale prise au piège va sortir le grand jeu. Très vite, les agents qui ont pu trouver le fichier de répartition sont identifiés. De façon cavalière, ils seront auditionnés en début août 2018. Après les auditions, quatre recevront des lettres de demande d’explication et le lendemain, ces agents verront leur contrat suspendu «en attendant une sanction disciplinaire».

Ces quatre agents ne seront d’ailleurs pas les seuls à vivre l’enfer. Une vingtaine d’agents sera cuisinée par la Direction générale, l’Audit interne et les Ressources humaines. Les délégués du personnel contestent, protestent contre les méthodes très peu orthodoxes de résoudre le problème et tentent, en vain, de faire respecter la règlementation en la matière. Rien n’y fera. A bout de souffle, les délégués du personnel démissionnent en fin août non sans dénoncer «une traque organisée et ciblée de certains membres du personnel sans assistance ni information du bureau des délégués suivie d’auditions et de fouilles tous azimuts.» Pour eux, ce sont des «faits jamais observés au sein de cette banque digne de pratiques d’une autre époque qui ont vidé la notion de délégué de personnel de tout sens à la BOA-Burkina et fait du bureau des délégués une institution sans importance et inutile». Les délégués du personnel, après leur démission, seront sanctionnés : la plupart a été affectée dans des agences en provinces.

Voyant que la méthode n’y était vraiment pas, les  responsables de la banque vont continuer à dérouler le rouleau compresseur sur les agents. Ils confient l’affaire dorénavant au commissariat de police de Boulmiougou. Là également, les agents vont subir des pressions de toutes sortes aussi bien dans leur lieu de services que lors des  auditions dans les locaux du commissariat. L’un des agents convoqués a même été immédiatement conduit dans les geôles du commissariat pendant 72h, sans qu’il ne sache exactement ce dont il est coupable. A sa sortie, il lui sera tout simplement signifié de rester à l’écoute.

Et la valse des agents soupçonnés se poursuit au commissariat. En fin août 2018, les quatre agents seront finalement licenciés. Ils se retournent vers l’Inspection du travail. Plusieurs fois convoqués, les responsables de la banque ne viendront qu’à la troisième séance et cette dernière s’est limitée à la signature d’un procès-verbal de non-conciliation. De toute évidence, l’affaire aboutira au tribunal. Affaire à suivre ! Article écrit par le Journal le Reporter

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