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JOËL RUET,  président du Bridge Tank:  » nous sommes tous des Wuhanais »


Le 17 février 2020, 60 membres de l’équipe médicale de médecine traditionnelle chinoise (MTC) du Guangdong sont réunis à Guangzhou et Shenzhen pour aider Wuhan et apporter du matériel à usage médical. La photo montre les membres de l’Hôpital provincial de MTC du Guangdong lors de la cérémonie de départ à Guangzhou.

« Ceci est le temps des faits et non des peurs, de la science et non de rumeurs, de la solidarité et non de la stigmatisation. » Ceci n’est pas la citation d’un Voltaire dans son article contre le fanatisme dans l’Encyclopédie, mais la déclaration bienvenue du directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), rappelant à l’humanisme partagé de manière concomitante à l’isolement de la Chine par les États-Unis sur fond de crise épidémique, à la fermeture des frontières aux hommes après l’érection initiale des barrières au commerce et à l’investissement. Que nous disent la crise actuelle et la lutte courageuse du peuple chinois quant aux fondements d’une gouvernance mondiale partagée en devenir?

Faits, sciences, étaient les chevaux de bataille des Lumières, on les croyait largement acquis depuis leur essor au XVIIIe siècle, consolidés par deux siècles tourmentés ; depuis, le progrès des sciences sociales et leur décentrement de leur européisme initial avait même progressivement remplacé le troisième terme du triptyque voltairien d’alors — l’universalisme — par la solidarité. Nous croyions, ou du moins pouvions espérer il y a peu, que ces termes n’étaient plus à ré-invoquer, qu’ils étaient acquis sous le vocable de gouvernance, sur des pratiques à toujours améliorer.

L’Accord de Paris sur la lutte contre le changement climatique, possible grâce au concours des pays du Sud, grâce au volontarisme industriel et public de la Chine qui venait de produire des « démonstrateurs » de transition énergétique, n’était-il pas la pierre de faîte de l’édifice, le premier accord vraiment multilatéral volontairement souscrit et non imposé par des puissances ? Premier séisme, cette construction a depuis été sapée par des puissances. Mais si cet accord a été attaqué par le haut, il a aussi été défendu par la praxis qui fonde la légitimité de la base. Le discours du président chinois lors du Forum de Davos de 2017, qui coïncidait avec la construction théorique et pratique qu’est La Gouvernance de la Chine, offrait une contribution à repenser le développement, la culture, la solidarité dans la diversité.

Le « développement » d’abord, aux atours nobles mais en premier lieu concept politique trumanien, est dans la gouvernance de la Chine ré-ancré dans le bien-être des personnes, et ce dans l’esprit des sciences sociales mondiales (notamment occidentales mais pas seulement) les plus progressistes ; la suprématie de l’économie de l’offre est préconisée ainsi que l’engagement de l’administration, qui doit être souligné lorsque de grandes parties du monde contrastent maintenant avec une croissance sans emploi ou aucune croissance pour financer les transformations sociales nécessaires.

L’environnement, ensuite, repensé comme auréolé de l’en-tête d’une « belle Chine » qu’on imagine transposable à un « beau monde », offre tous les aspects de l’écologie moderne ; la « société de moyenne aisance » qui va avec — l’homme est saisi dans son milieu — peut être un horizon réaliste pour la situation actuelle de la Chine, mais ne devrait-elle pas être considérée comme un objectif souhaitable pour toute une planète confrontée à des contraintes ? La sécurité écologique, objectif de l’administration chinoise, est une dimension tournée vers l’avenir de la stabilité nationale et de l’ordre mondial.

Ce « discours-programme » de Davos de 2017, que Xi Jinping a prononcé il y a trois ans, avait fait entrevoir aux dirigeants mondiaux qu’il faut compter avec une Chine non seulement essayant de rattraper son retard technologique, mais avec une Chine qui veut s’engager dans l’aide internationale, pour reconstruire le système international. Et cela non uniquement avec des « caractéristiques chinoises », mais grâce à une reconnaissance pleine d’un monde ayant appris de l’ordre westphalien qui voit toutes les nations égales en droits et en devoirs, à la Charte des Nations Unies, complétée par la Déclaration de Bandung reconnue à sa juste place dans l’ordre international.

Promouvant avec force cet ordre et cette construction dans la gouvernance de la Chine, le peuple chinois donne du crédit à la construction de l’ordre mondial jusqu’à présent d’une manière qui, trois ans plus tard, et à la veille de l’épidémie du nouveau coronavirus, conférait fraîcheur et espoir à un monde aujourd’hui désordonné.

Si, « une fois posé le grand dessein, demeurent toujours à cultiver les détails », comme le dit une expression chinoise, la Chine offre une énonciation très claire et directe de ce qu’elle cherche aujourd’hui pour elle-même et pour sa contribution au monde. La crise de santé publique actuelle ne doit pas être vue comme un coup d’arrêt mais comme une épreuve ; les décisions courageuses prises doivent être vues comme la volonté de dépasser l’adversité. Car au cœur de la gouvernance mondiale se trouvent les biens publics mondiaux : en « yang », les infrastructures physiques (dont l’initiative « la Ceinture et la Route » se veut une pourvoyeuse), et en « yin », la santé publique (et son pendant : la lutte contre les inégalités), qui ne sauraient être qu’un engagement mondial avec une contribution chinoise. D’où la nécessité de travailler à « améliorer notre capacité à participer à la gouvernance mondiale », non pas comme un état de fait, mais comme une pratique toujours en cours dans la grande tradition dialectique chinoise.

C’est ce progressisme-là qui, testé par la nature, a subi le coup de boutoir de reflux de solidarité politique ici, une tentative de rompre le lien dialectique et le lien tout court, mais qui reçoit aussi aujourd’hui une lame de fond de solidarité à de multiples endroits du monde.

La gouvernance de la Chine formule clairement ses souhaits pour « la diplomatie de grande puissance à la chinoise » avec trois textes pointus et humbles et leurs neuf déclinaisons régionales (« développement pacifique et coopération avec d’autres pays »). « Humble » quand il décrit ses déclinaisons : le Pacifique, l’Union européenne, l’Afrique, le monde arabe, les États-Unis, etc. sont clairement envisagés. On souhaiterait que toutes les grandes puissances puissent écrire de cette même manière noir sur blanc leur politique diplomatique, et s’y tenir en temps de crise. Les temps présents sont un prisme des pays et nations qui s’engagent dans cette voie avec sang-froid, et le courage quotidien des Chinois et Chinoises en est déjà le socle.

La communauté scientifique mondiale reconnaît les pratiques de quarantaine, et des villages aux individualités urbaines, toute une nation met en place avec fermeté une auto-quarantaine, mais aussi un rempart face au virus pour la communauté humaine.

L’isolement peut aussi être ce temps de la prise de recul, de la réflexion et de la lecture des textes : peut-être une façon de voir, dans le contexte actuel, que la contribution chinoise à la gouvernance du quotidien se trouve dans la lecture notamment de La Gouvernance de la Chine, avec des textes offrant de longs exemples sur le « bien-être des gens » (huit textes s’étendant à travers des outils comme les « préoccupations immédiates des gens » et une « Chine saine » qui prend aujourd’hui tout son sens). Les efforts de l’administration pour assurer le ravitaillement compatible avec des sorties alternées de quelques jours dans chaque foyer sont en ce sens exemplaires. À l’heure où le nombre accumulé de guérisons et sa vitesse d’augmentation ont dépassé ceux des décès, l’efficacité des mesures collectives et individuelles donne l’espoir d’une sortie de crise à terme.

La montée en puissance des Comités des villageois à la campagne et des Comités des résidents en ville, appelée des vœux de la gouvernance de la Chine, peut paradoxalement résulter d’un retournement de la crise en une opportunité ; ici pourra se révéler le sens collectif des abnégations individuelles.

Tôt ou tard reprendra la modernisation à la chinoise, mise dans une perspective économique, autour du fonctionnement quotidien de l’État dans ses provinces — et dans les pays partenaires de l’initiative « la Ceinture et la Route » —, avec un effort marqué pour prendre en compte la diversité des territoires. Cela fait déjà sans aucun doute écho dans les pays du Sud et peut éventuellement alimenter la réflexion dans les économies occidentales, qui quelque part ont tendance à se polariser, à s’appuyer sur la société et les inégalités territoriales. Cette approche semble en contradiction avec la pensée keynésienne classique et libérale, mais pas avec la recherche keynésienne moderne qui prône les politiques de développement humain autour des diversités territoriales, avec une certaine praxis à s’insérer dans des conditions réelles de développement matériel et social. Autrement dit, la société chinoise teste aujourd’hui et démontrera demain sa résilience et le pari de la couper du monde semble bien aventurier.

Les faits de l’engagement, la science partagée contre la maladie et la solidarité qui partout se manifeste redonnent aussi l’espoir d’une coordination micro-mondiale, pendant humain de la macro-coordination mondiale qui a été préconisée par la Chine depuis le Sommet du G20 de Hangzhou. Les amis de l’humanité sont confiants que la Chine reprendra sa marche, contribuera à la variété et à la diversité ; en « yin » comme en « yang », son peuple écrit des pages qui démontrent la supériorité fonctionnelle et morale de la coordination sur la stigmatisation et le repli.

Source: La Chine au Présent   Auteur: JOËL RUET,  président du Bridge Tank.

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